Je remercie madame la rapporteure, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, pour cette audition et de bien vouloir prendre le temps de considérer les éléments constituant une réelle alternative à cette autoroute.
Une autoroute à laquelle je m'oppose effectivement, monsieur Terlier, mais contrairement à ce que vous suggériez, je ne me place aucunement dans une logique négative. Je m'y oppose sur la base d'une proposition tangible pour le territoire et j'espère vous en convaincre, a fortiori parce que le député du territoire concerné que vous êtes devrait, à mon sens, s'emparer de ces éléments que je m'apprête à présenter.
Un projet d'aménagement de cette envergure se doit de tenir compte de l'existant et de proscrire le recours à l'artificialisation des terres dès lors qu'il est possible de l'éviter.
Quelles sont mes motivations ? En tant que docteur en écologie, j'ai travaillé sur les écosystèmes, les systèmes complexes et la biogéographie. J'ai obtenu mon diplôme de l'Université de Toulouse pour des travaux essentiellement menés sur les enjeux de biodiversité, que ce soit en Amazonie ou sur nos territoires. La crise écologique majeure que nous vivons, marquée entre autres par la perte de biodiversité, se joue aussi sur nos territoires et j'ai l'intime conviction qu'on ne peut plus laisser faire. Voilà ce qui m'a amené à vouloir activement préserver la nature dans le Tarn, notamment dans la vallée de l'Agout, qui est un site Natura 2000.
Au-delà du changement climatique, la période actuelle se caractérise par de sérieux problèmes écologiques tels que l'érosion de la biodiversité, le manque de ressource en eau, les pertes de ressources diverses et l'exploitation des sols. De telles questions ne se posent pas qu'en Amazonie, où la moindre ouverture de route provoque la déforestation des zones alentours, mais se posent également pour le territoire du Tarn, à l'image de Saïx où la mésange bleue parvient difficilement à subsister dans les interstices qu'on lui accorde, toujours plus difficilement chaque jour d'ailleurs, et nous avons une importante responsabilité à cet égard.
Je tiens ici à rappeler le cadre juridique réel, qui me semble échapper à beaucoup, à savoir que la recherche d'une alternative est une obligation à la fois constitutionnelle et légale.
La Charte de l'environnement nous oblige à rechercher des alternatives et des évitements par la juste application des principes de prévention et de précaution. En d'autres termes, s'il est prouvé qu'une alternative n'a pas été sérieusement recherchée, un projet peut tout à fait être jugé illégal et une autoroute annulée et détruite.
La loi d'orientation des mobilités (LOM) nous oblige – et oblige les pouvoirs publics – à rechercher un rééquilibrage modal en vue de diminuer les problématiques de congestion routière, en privilégiant notamment le mode ferroviaire. Le code de l'environnement, quant à lui, nous interdit strictement de détruire des espèces protégées et leurs habitats naturels, à savoir les forêts et les prairies, y compris la parcelle de la Crem'Arbre, à Saïx, qui abritait la mésange bleue. Il en résulte que personne n'a le droit de détruire des espèces protégées et leurs habitats naturels, sous peine de trois ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende, voire sept ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende lorsque cette destruction s'est produite en bande organisée.
En effet, nous n'avons légalement pas le droit de détruire la nature, sauf lorsqu'un arrêté préfectoral l'autorise. Une telle dérogation ne peut être obtenue que sous des conditions très strictes, à commencer par celle de ne pas avoir eu d'autres choix. Il faut pouvoir démontrer une raison impérative d'intérêt public majeur, ce qui est différent, monsieur Terlier, de la déclaration d'utilité publique à laquelle vous vous référez.
La raison impérative d'intérêt public majeur implique de vérifier que les objectifs annoncés sont bien réunis, notamment les objectifs socioéconomiques et à cet égard, l'arrêté préfectoral évoque un désenclavement du bassin d'emploi de Castres-Mazamet. Il faut en outre prouver un gain de temps de trajet, une augmentation de la sécurité par kilomètre parcouru et considérer l'équité territoriale entre les villes moyennes de l'ex-Midi-Pyrénées. De surcroît, les alternatives doivent avoir été recherchées de manière sérieuse et sincère, notamment en recourant à une tierce expertise avant d'engager un quelconque tracé autoroutier.
C'est donc bien dans ce cadre juridique précis que les éléments que nous allons analyser doivent interroger.
La présidente de la région Occitanie, Mme Carole Delga, a systématiquement annoncé, dès lors que la solution ferroviaire lui a été suggérée, qu'il n'existait aucune alternative. Elle a d'ailleurs réitéré cette position d'octobre à décembre dernier et même lors de ses vœux de début d'année à l'occasion desquels elle déclarait : « Si l'A69 ne se fait pas, rien ne se fera. » Plus récemment, M. Jean-Luc Gibelin a tenu des propos similaires. Dans un courrier récent aux députés du groupe parlementaire La France insoumise, Mme Carole Delga a indiqué qu'elle « ne disposait pas d'études », à l'appui de ces affirmations.
Cela pose un réel problème, car le simple fait que la loi oblige à mener des études est censé en garantir l'existence et conséquemment, l'autorité administrative aurait dû s'assurer de cette existence. Pourquoi l'actuelle présidente de la région Occitanie semble-t-elle ne pas avoir connaissance des études ou ne s'y réfère-t-elle pas, ce que les pouvoirs publics seraient censés faire ?
En 2022, l'Autorité environnementale estimait que l'étude présentée par Atosca et validée par les pouvoirs publics avait omis de détailler les alternatives possibles à l'A69, en particulier ferroviaires ; des alternatives qui avaient donc été mal prises en compte, faute d'études – justement – sur le report multimodal du trafic par les transports en commun, dont le train.
Lors de son audition devant cette commission, M. Dominique Perben, ancien ministre des transports, déclarait la chose suivante : « Je ne suis pas sûr qu'une étude comparative ait été faite sur la liaison ferroviaire. Si l'étude avait été faite, les chiffres auraient sans doute conduit à conclure qu'il valait mieux privilégier la liaison routière. » M. Perben a ainsi entrepris de forger sa propre conclusion à partir d'études inexistantes. M. Martin Malvy, ancien président de la région Midi-Pyrénées, avait quant à lui un meilleur souvenir des choses, puisqu'il vous a, lui, répondu de la manière suivante : « Il y a eu une étude sur une solution alternative et cette étude a d'ailleurs été cofinancée par la région. »
Nous nous sommes donc interrogés, en tant que citoyens et en vertu de la Constitution obligeant chacun d'entre nous à rechercher sérieusement toute alternative et toute possibilité d'éviter la destruction de la nature.
Nous avons ainsi vérifié plusieurs des critères justifiant du projet : le désenclavement, le gain de temps, l'augmentation de la sécurité et l'équité territoriale entre les villes moyennes.
Le désenclavement ou les flux de circulation ne concernent pas uniquement l'axe Castres-Toulouse. En 2009, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) recensait un trafic de 5 200 véhicules par jour entre Castres et Toulouse (dans les deux sens) et de 3 800 véhicules par jour entre Castres, Mazamet et Revel. On avance aujourd'hui un chiffre de 8 000 véhicules par jour et il serait particulièrement nécessaire de vérifier s'il ne résulte pas d'une agrégation de tous ces chiffres, sachant que l'autoroute ne desservira pas Revel. De plus, la dernière enquête ménages déplacements nous informe que les mobilités diminuent et qu'il existe un report vers le multimodal.
En somme, on ne connaît pas les chiffres réels, ce qui fait partie des difficultés de ce dossier et des possibles points d'illégalité.
L'autoroute a soi-disant vocation à désenclaver. Si on considère le bassin d'emploi de Castres-Mazamet, la ville de Mazamet n'apparaît tout simplement pas sur les cartes de l'autoroute, ce qui en dit long sur la considération dudit bassin. Il apparaît également que seuls trois échangeurs sont censés desservir ce territoire, alors que la voie ferrée existante propose d'ores et déjà quatre gares, dont une à Mazamet, des gares aménageables supplémentaires et autres haltes ferroviaires et qu'il existe des dessertes par des cars des lignes intermodales d'Occitanie (Lio). Si la voie ferrée ne passe pas par Puylaurens, des connexions de cars Lio sont tout à fait possibles.
Dans le Sud du Tarn et dans le bassin de Castres-Mazamet, il existe en réalité une multitude de trajets possibles vers l'agglomération toulousaine. On ne se rend pas uniquement dans le Nord-Est de Toulouse ou vers le péage autoroutier – et embouteillé – de L'Union, on peut aussi se diriger vers le Sud-Est de Toulouse, vers le pôle scientifique, et à d'autres endroits de l'agglomération. Il convient de réfléchir à la mobilité sur un territoire de manière beaucoup plus globale.
Les études sur les gains de temps nous disent que les temps de parcours routiers existants oscillent entre une heure dix et une heure dix-huit.
L'arrêté préfectoral portant autorisation environnementale nous ment, purement et simplement, lorsqu'il annonce une moyenne d'une heure quinze de temps de trajet en train, alors qu'il varie entre une heure sept à une heure dix – ce qu'il faudrait encore pondérer par le fait que la ligne ferroviaire n'est pas utilisée au maximum de son potentiel. En réalité, les temps de parcours en train sont d'ores et déjà inférieurs aux temps actuels de parcours routiers. Le débat est biaisé sur ce point. Nous avons d'ailleurs réalisé une projection de circulation sur un train rapide Castres-Toulouse, par le premier TGV ou par le premier train Intercités vers Marseille ou Bordeaux. En ajoutant un train, il serait possible de faire le trajet en une heure et une minute le matin, et ce, sans qu'il soit nécessaire d'améliorer la voie.
De plus, chacun sait parfaitement que le boulevard périphérique toulousain est en cours de saturation complète et que les projections à 2030 prévoient des embouteillages très importants.
Début janvier, la région Occitanie – avec Vinci – annonçait son intention de tester des navettes de bus sur l'autoroute A68 afin de relier le centre de Toulouse et de décongestionner le périphérique toulousain. Dans cette solution, l'autoroute irait jusqu'à Verfeil ou Gragnague, les automobilistes devraient alors laisser leurs voitures et prendre des cars Lio pour accéder à l'agglomération toulousaine. Plutôt que de changer de mode de transport en cours de route, il me semble préférable de prendre directement un car Lio depuis Castres ou Puylaurens, ou un train depuis Mazamet, Castres ou toutes les gares desservies.
Le gain de temps n'est clairement pas démontré. Les transports en commun, par les voies de bus en site propre ou par le train, sont clairement plus efficaces et plus fiables en termes d'horaires.
S'agissant de l'accidentologie et de la sécurité, selon les chiffres de 2022, la France a déploré 188 décès sur les autoroutes concédées et 64 décès par le train, soit une mortalité par accident trois fois inférieure par le train. De ce point de vue, le train présente un net avantage sur l'autoroute et il est fort dommageable que cette option n'ait pas été recherchée beaucoup plus sérieusement.
S'agissant de l'équité territoriale, je dois dire que la logique m'échappe. Il existe aujourd'hui une autoroute pour Montauban et vingt-neuf allers-retours en train par jour sur ce trajet, ainsi qu'une autoroute pour Albi quasiment gratuite (hormis le péage de L'Union) et dix-huit allers-retours en train par jour. Les trajets vers Montauban et Albi sont facturés à 5 euros, car ils sont en dessous du plafond fixé à 80 kilomètres. L'autoroute pour Castres, quant à elle, sera facturée à 10 euros minimum, car elle se situe un peu au-delà des 80 kilomètres – plafond que la région Occitanie pourrait légèrement moduler.
Avec les mêmes budgets, il serait possible de développer le train de manière plus efficace et cadencée sur des niveaux similaires à Montauban, voire davantage, ainsi qu'une route nationale gratuite ; cette dernière n'étant aucunement congestionnée, ainsi que l'indiquait très justement monsieur Manon. C'est juste une question de temps pour ceux qui veulent aller vite, mais ces derniers pourraient tout à fait prendre le train.
Sur le trajet Albi-Carmaux (dix-huit trajets par jour, à 5 euros), outre une meilleure desserte, on observe ces dernières années une augmentation de la fréquentation du train. Sur Castres-Mazamet, on observe logiquement une baisse de fréquentation de la ligne ferroviaire depuis dix ans.
La gare de Castres est la seule gare de l'ex-Midi-Pyrénées ayant enregistré une baisse de fréquentation entre 2015 et 2022. Quelle en est la cause ? Les habitants de Castres sont-ils moins enclins à prendre le train ou cette ligne a-t-elle manifestement été délaissée ?
Un premier élément d'explication pourrait tenir au fait que le plan rail (2009-2013) avait entrepris de refaire la voie et le ballast de la ligne Castres-Mazamet, mais sans rénover sa signalisation, après quoi la voie a été abandonnée. De plus, alors qu'elle devait se poursuivre jusqu'à Carmaux, la ligne s'est finalement arrêtée à Lavaur. Pourtant, les agglomérations d'Albi-Carmaux et de Castres-Mazamet sont démographiquement et économiquement très équivalentes. En ne faisant les travaux qu'à moitié, on a donc laissé la voie ferrée « au milieu du gué », si bien qu'elle se trouve aujourd'hui complètement sous-utilisée, malgré son grand potentiel. La voie permet aux trains de rouler à 160 km/h en ligne droite, mais ils ne roulent qu'aujourd'hui qu'autour de 110 km/h, justement parce qu'elle a été délaissée.
De surcroît, au moment où la présidente de la région Occitanie nous disait qu'il n'était pas possible d'agir au motif que la voie était unique, nous avons découvert un document révélant l'intention de la SNCF et de la région de procéder, dès 2026, à plusieurs déferrements dans les gares de Labruguière et de Vielmur-sur-Agout. On s'apprête donc à investir dans le retrait de doubles voies ferrées, lesquelles seraient pourtant requises pour un cadencement des trains à la demi-heure.
De manière analogue, dans le projet d'aménagement ferroviaire du Nord de Toulouse pour la LGV Bordeaux-Toulouse, il se trouve que la voie actuellement consacrée intégralement au train du bloc Nord-Est (Tarn, Aveyron, Lot, Cantal et Puy-de-Dôme) sera en partie mutualisée pour les trains arrivant de Montauban. Il y a là quelque chose de proprement anormal. Pour faire venir la LGV, on entreprend de supprimer une moitié des deux voies existantes sur le bloc Nord-Est, ce qui abaissera les capacités de cadencement des trains, notamment celui des trains de proximité pour Toulouse-Castres-Mazamet, ainsi que les lignes Albi-Carmaux-Rodez, Figeac-Capdenac, Aurillac et Clermont-Ferrand.
Parallèlement, la ligne 768 de cars Lio dessert tout l'Ouest de l'agglomération de Castres-Mazamet, au départ de Mazamet pour un terminus à Sémalens. Or la gare de Sémalens est fermée depuis quinze ans. Le car continue pourtant de s'arrêter à Sémalens, sans poursuivre quatre kilomètres plus loin, jusqu'à Vielmur-sur-Agout où une gare SNCF assure actuellement douze allers-retours journaliers. Ce dernier exemple montre que des initiatives très simples pourraient être envisagées pour maximiser la solution ferroviaire pour les habitants du territoire, ce que la région Occitanie a parfaitement les moyens de faire.
Dans le même ordre d'idées, notre étude a mis en lumière de nombreuses incohérences sur les horaires de correspondances entre les trains et les cars Lio, souvent à quelques minutes près. Sans prétendre qu'un tel cumul des incohérences procède d'une quelconque intentionnalité, leur conjonction avec la volonté ferme de bâtir une autoroute a de quoi interroger.
Une étude tangible ne peut se résumer aux dires d'experts et à quelques annonces de chiffres. Étant donné la particularité du transport ferroviaire, il est essentiel de travailler à partir de graphiques horaires tenant compte des différentes vitesses et normes horaires. C'est ainsi que nous avons procédé à l'aide de M. Benoît Durand, expert ferroviaire citoyen.
Pour nous aider à étayer la soutenabilité de l'alternative ferroviaire, M. Karim Latini, paysagiste et urbaniste, a mis en forme et projeté nos éléments techniques pour le volet ferroviaire alternatif. Un expert agréé par le ministère de la justice, souhaitant rester anonyme à ce stade, mais se tenant à disposition de la commission d'enquête et/ou des tribunau, nous a confirmé la justesse des ordres de grandeur de prix que nous avions retenus. Plus récemment, nous avons entrepris de consulter M. Daniel Émery, consultant spécialiste en chemins de fer, ancien enseignant à l'École polytechnique fédérale de Lausanne et reconnu au niveau européen, qui a validé nos options techniques.
C'est ainsi que nous avons élaboré une solution alternative et viable, prête à remplacer cette autoroute A69, dont les tribunaux ne manqueront pas de prononcer l'annulation.
Dans l'immédiat et sans qu'aucun aménagement ne soit nécessaire, nous proposons donc d'ajouter quatre trains allers-retours : un le matin, permettant aux habitants du territoire de prendre le premier train Intercités ou le premier TGV pour Paris, un train l'après-midi et deux trains le soir. Cette première proposition fait d'ailleurs écho aux propos du 24 janvier dernier de Mme Carole Delga qui indiquait être prête à expérimenter dès cette année des amplitudes horaires plus importantes. Sachant que cette ligne ne comporte ni TGV, ni train Intercités, ni fret, la SNCF pourrait parfaitement opter pour ces quatre trains supplémentaires. Nous nous sommes d'ores et déjà assurés, par des graphiques horaires, de la parfaite faisabilité de l'opération.
Un nouveau cadencement des trains à la demi-heure impliquerait de mettre en place la signalisation idoine, qui avait donc été déprogrammée sur cette voie précise, à la différence de la plupart des autres lignes du Midi-Pyrénées. Tout le monde s'accorde sur un coût avoisinant 30 millions d'euros, à l'exception peut-être de la région Occitanie qui parlait, le 20 janvier, de 43 millions d'euros, puis de 84 millions d'euros le 7 mars dernier. D'autres études de la SNCF, sur des régions ayant engagé des travaux similaires, confirment néanmoins un coût n'excédant pas quelques dizaines de millions d'euros.
L'alternative que nous proposons impliquerait en outre un relèvement de la vitesse que nous proposons à 140 km/h en ligne droite, sachant que la voie supporte une vitesse maximale de 160 km/h. Pour ce faire, il suffirait de modifier la signalétique à l'abord des courbes et de déplacer les pédales de déclenchement des passages à niveau, et ce, pour un coût de l'ordre de 1,2 million d'euros, montant qui reste à affiner.
Enfin, une nouvelle gare de croisement serait à définir pour que les trains puissent se croiser toutes les demi-heures, contre une heure cinq actuellement. Puisque cette gare doit se situer à la moitié du temps de parcours, nous proposons qu'elle se situe quelque part entre Serviès et Guitalens-L'Albarède, où une gare serait particulièrement bienvenue et facile à installer, pour un coût allant de 5 à 7 millions d'euros. Cette nouvelle gare de croisement supposerait aussi de renoncer au déferrement de la double voie de Labruguière, nécessaire au cadencement à la demi-heure des trains jusqu'à Mazamet et potentiellement de la gare de Vielmur-sur-Agout qui, elle, servirait de gare de croisement de secours ou pour un possible cadencement au quart d'heure au sein du bassin d'emploi de Castres-Mazamet.
En conséquence, pour un investissement de 40 millions d'euros de coûts d'infrastructures, il serait possible d'obtenir un cadencement des trains à la demi-heure. Un tel cadencement, pour une voie ferrée de six mètres de large et une capacité de 200 personnes par train, suffirait à transporter la totalité des usagers utilisant encore leur voiture pour faire le trajet entre Castres, Mazamet et Toulouse.
À cet investissement doit s'ajouter le coût de l'achat de trains supplémentaires. Nous proposons cinq trains supplémentaires à 8 millions d'euros pièce, soit environ 40 millions d'euros pour se doter de trains Régiolis, hybrides, diesel et électrique.
Il conviendra enfin de procéder aux recrutements associés, sujet relevant de la convention d'exploitation entre la région Occitanie et la SNCF, ce qui devrait être aisément envisageable du fait que la hausse du nombre d'usagers générera une augmentation des recettes.
Notre étude citoyenne, réalisée avec Benoît Durand et expertisée par Daniel Émery confirme donc la possibilité d'un cadencement à la demi-heure en ajoutant une gare de croisement. Nous serions là sur une solution acceptable, qui équivaudrait à ce qui se pratique dans la région, notamment sur la ligne Toulouse-Foix.
Pour un temps de trajet d'une heure, un cadencement à la demi-heure inciterait clairement à choisir le train plutôt que la voiture, ce qui serait possible dès 2030.
Aussi, une étude comparable nous laisse à penser que la région Occitanie a mal été informée par la SNCF. En effet, entre 2018 et 2021, la région Pays de la Loire avait procédé au réaménagement de ligne Clisson-Cholet, et ce pour 46 millions d'euros de coûts d'infrastructures et sachant qu'à la différence du cas qui nous occupe, il n'avait pas été nécessaire de refaire le ballast des voies. Il n'est pas donc impossible que nos estimations soient finalement assez hautes, mais nous avons tenu à inclure de réelles marges de prudence. La région Occitanie pourrait confirmer ces éléments auprès de celle des Pays de la Loire, à savoir que des travaux comparables se chiffreraient à 46 millions d'euros, très inférieurs au milliard d'euros annoncé par la SCNF à Mme Carole Delga.
Nos travaux se basent donc sur de solides éléments techniques.
Je récapitule les chiffres : 7 à 10 millions d'euros pour les gares, 30 millions d'euros pour la signalisation et 40 millions d'euros d'achat de train, soit un total de 80 millions d'euros pour une voie non électrifiée, en incluant les infrastructures et les trains. Comparativement, dans un courrier au groupe parlementaire La France insoumise, la région Occitanie parlait de 1,14 milliard d'euros en janvier et désormais de 2,7 milliards d'euros et 4 milliards d'euros en euros courants. À ce niveau d'écarts, il ne s'agit même plus d'exagérations de montants, mais d'un tout autre univers.
La question de l'électrification a enfin été présentée comme un point bloquant. Pourtant, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) nous indique qu'un trajet en train ou TER, même à base de diesel, émet moins d'équivalents CO2 qu'un trajet en voiture, même électrique. Le train reste donc le moyen de transport le plus écologique, sans commune mesure.
L'électrification peut être un plus, sans être une nécessité. Il est déjà possible de se doter d'un transport plus écologique en cadençant la ligne. L'introduction de nouveaux trains hybrides à batterie pourrait se faire en électrifiant la voie entre Saint-Sulpice, Castres et Mazamet, voire jusqu'à Albi et Carmaux, soit une vingtaine de kilomètres sans caténaire électrique et sans qu'il soit nécessaire d'électrifier la voie en sortie de Matabiau, surtout sous les tunnels de Montastruc-la-Conseillère et de Castelmaurou, qui pourraient effectivement poser problème.
Le 14 décembre dernier, Mme Carole Delga nous affirmait qu'il serait « inenvisageable d'utiliser le train, parce que la voie n'est pas électrifiée » et deux jours après, le 16 décembre, la région Occitanie et SNCF Réseau inauguraient le premier train de France hybride, précisément sur la ligne Toulouse-Castres-Mazamet. Les incohérences sont manifestes. Aujourd'hui, toutes les solutions techniques existent et leur mise en œuvre ne dépend que d'une volonté politique.
Dans le cadre du contrat de plan État-région (CPER), la région Occitanie s'apprête à signer le volet mobilité 2022-2027. Il suffirait d'inscrire 40 millions d'euros dans ce CPER, qui compte près de 1 milliard d'euros d'investissement, pour que, dès les prochaines années, les habitants de la zone Castres-Mazamet bénéficient de trains cadencés à la demi-heure et ainsi de transports modernes, d'avenir et écologiques.
La délibération du conseil régional du 28 mars dernier nous informe cependant que les investissements, pour l'ensemble des lignes de dessertes fines du territoire de l'Occitanie, ne s'élèveraient qu'à 145 millions d'euros. De là, on peut supposer que la partie Saint-Sulpice/Castres/Mazamet ne sera gréée que de quelques centaines de milliers d'euros, soit l'équivalent de la somme prévue pour déferrer les voies, et non pour améliorer la desserte.
Mon avis est que les députés du territoire doivent absolument se saisir de la question, mesurer les enjeux et exiger que leurs lignes soient bien mieux considérées par le CPER.
En conclusion, je dirais que l'alternative ferroviaire est bien réelle, tangible, nettement moins délétère pour l'environnement et nettement moins émettrice de gaz à effet de serre. C'est pourquoi l'alternative ferroviaire me semble présenter tous les avantages.
À celles et ceux qui s'inquiéteraient de savoir ce qu'il adviendrait de l'actuel chantier de l'autoroute, je réponds que plusieurs experts m'ont confirmé l'entière possibilité d'installer des voies ferrées en lieu et place des plateformes préparées pour l'autoroute, y compris sur le viaduc de l'Agout et pour une double voie en sortie de l'agglomération de Castres.
Rien ne pourra évidemment se faire sans que le tribunal administratif ne prononce l'annulation du projet de l'A69, ce qui me semblerait parfaitement logique au vu des éléments considérés aujourd'hui.
J'en ai terminé de ma présentation et me tiens disponible pour répondre à vos questions.