Intervention de Frédéric Manon

Réunion du lundi 15 avril 2024 à 9h30
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Frédéric Manon, ancien conseiller municipal de Lacroisille et ancien conseiller de la communauté de communes Sor et Agout :

Très bien, j'ai malgré tout posé la question.

S'agissant de l'aménagement sur place de la RN126, j'ai vraiment entendu tout et n'importe quoi au cours des dix-sept dernières années, notamment qu'il n'existait aucune étude. La présidente de la région Occitanie a même affirmé que l'étude n'avait rien donné, ce qui est inexact. Une étude de l'aménagement sur place a bien été réalisée et financée par plus de vingt-trois collectivités territoriales, des communautés de communes, ainsi que par le conseil régional, et ce, pour un montant total de 60 000 euros sur une durée de trois mois. Le bureau d'études Burotec (BTP) avait été sélectionné pour la réaliser. Des agriculteurs avaient été consultés sur le choix des aménagements, un cahier des charges extrêmement argumenté avait été établi et afin de confirmer le coût de l'aménagement envisagé, soit 180 millions d'euros, une autre validation avait été sollicitée auprès d'un second bureau d'études.

Ainsi que cette étude l'a démontré, un aménagement sur place de la RN126 serait tout à fait adapté aux besoins de mobilité des entreprises et des particuliers. S'il ne s'agit, certes, que d'une étude préliminaire, ou d'un avant-projet sommaire, c'est précisément ce type d'études que l'État aurait dû mener depuis le début afin de se mettre en mesure de comparer les différentes solutions d'aménagement de façon objective.

S'agissant de l'opportunité du projet, mon sentiment est que, depuis 2007, on confond les besoins et les solutions. J'ai plusieurs fois entendu parler du besoin d'une infrastructure, mais c'est un peu « mettre la charrue avant les bœufs », si vous me pardonnez l'expression. On a d'abord besoin d'un projet de territoire et ensuite de trouver la solution permettant d'y répondre. Cette notion de projet de territoire a été la grande absente du débat jusqu'à ces dernières années ; c'est d'ailleurs moi-même qui l'ai introduite à la fois dans le débat public de 2009 et lors de l'enquête publique.

On peut regretter qu'aucun projet de territoire n'ait pu émerger à ce jour. Pour mémoire, à la suite de la déclaration d'utilité publique du projet d'autoroute, le Premier ministre d'alors, M. Jean Castex, avait désigné M. Maxime-Yasser Abdoulhoussen pour accompagner les élus et justement les aider à construire un projet de territoire s'adossant au projet d'autoroute. Il me paraît donc complètement aberrant que, dans cette affaire, on ait imposé une solution pour répondre à un projet qui, en réalité, n'existait pas. Si je faisais l'analogie avec mon métier, dans le domaine spatial, cela reviendrait à me demander d'envoyer un satellite dans l'espace sans en connaître préalablement la fonction ni l'utilité. Tel fut pourtant le cas de ce projet d'autoroute.

Toujours sur l'opportunité du projet, eu égard à la loi d'orientation des mobilités (LOM) et à la succession de différentes crises que nous subissons (géopolitiques, financières, sociales et environnementales), je comprends mal comment ce projet parvient à s'insérer dans un tel contexte. Je rappelle ici que la mise en service était prévue en 2013 et que le choix d'un projet d'autoroute a notamment été présenté comme le seul moyen d'accélérer cette mise en service. Nous sommes en 2024 et force est de constater que la mise en service ne surviendra finalement que douze ans plus tard.

En synthèse, je dirais que l'A69 est une solution inadaptée au contexte, présent et à venir et qu'il convient plutôt de penser des projets de territoire et d'adapter les solutions. La question de la mobilité, qui est un réel besoin, suppose des solutions multiples et rapidement reconfigurables en fonction du contexte. L'opportunité du projet n'a jamais été démontrée. De surcroît, la nature trompeuse de la démonstration de l'utilité publique a été confirmée par les expertises de l'Autorité environnementale et du Commissariat général à l'investissement.

D'aucuns pourraient considérer qu'en tant que simple citoyen, je ne suis pas en capacité de juger de la pertinence des études d'un maître d'ouvrage. Mon exposé ne s'appuie pourtant que sur des éléments factuels et autres informations répertoriées dans la documentation de l'État.

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