J'ai le plaisir de m'exprimer devant vous pour évoquer ce vaste sujet de la jeunesse française, de ses interactions avec les armées et de son implication dans la défense globale de la nation. Dans la continuité de la LPM précédente, la LPM 2024-2030 souligne le nécessaire renforcement du lien entre la jeunesse et les armées, qui constitue un enjeu essentiel pour la cohésion nationale, et pour les besoins renouvelés de la défense nationale et de la défense globale.
Tout d'abord, le contexte national et international est aujourd'hui dégradé et menaçant. À mon sens, il impose de renforcer le lien des armées avec la jeunesse. Selon le Président de la République, chef des armées, la France fait face aujourd'hui à de nombreuses crises, d'un niveau d'intensité inédit. Nous assistons depuis trois ans à un cumul de crises et de guerres qui affectent de manière globale la sécurité des Français. Notre pays a été touché par plusieurs crises majeures de nature sociale, sociétale, sanitaire et environnementale ; génératrices de forts clivages au sein de la population et parfois de violences. Il n'a pas non plus été épargné par les attaques terroristes islamistes, dont les sources idéologiques et les causes politiques, en Afrique comme au Moyen-Orient, perdurent.
Par ailleurs, le retour de la guerre de haute intensité aux portes de l'Union européenne (UE) et de l'Otan se traduit par des ingérences étrangères massives dans les domaines cybernétiques et informationnels et par une augmentation de la menace militaire, conventionnelle et hybride. Ainsi, la LPM acte la nécessité de renforcer notre modèle d'armée, pour « disposer d'une armée durcie, résiliente, apte à répondre à des situations d'intensité d'engagement diverses et potentiellement simultanées, avec la volonté de permettre aux armées de s'appuyer sur une réserve opérationnelle plus nombreuse ».
Au moment même où les besoins augmentent, les armées font face, pour la première fois depuis le début de la professionnalisation, à des difficultés majeures de recrutement et de fidélisation. Dans ce contexte, la jeunesse française représente un enjeu clé de la résilience et de la défense nationale. Elle doit à la fois être protégée contre la désinformation, les manipulations de nos adversaires, qui cherchent à dresser les Français les uns contre les autres ; mais aussi être guidée et accompagnée vers l'engagement et la défense des valeurs de la République.
Je souhaite ensuite évoquer le lien entre l'armée et la jeunesse. L'approche française est à la fois singulière, globale et légitimée par la population. Le ministère des armées agit en direction de la jeunesse selon deux approches distinctes et complémentaires. La première approche se fonde sur le volontariat : le ministère des armées recrute annuellement plus de 26 000 jeunes Français et la LPM prévoit le recrutement de 40 000 réservistes supplémentaires d'ici 2030.
Sur une base obligatoire, depuis la suspension du service militaire en 1997, la direction du service national de la jeunesse organise une Journée défense et citoyenneté, qui concerne 800 000 jeunes, garçons et filles. La DSNJ a également la charge d'autres actions en direction de la jeunesse et décline, au sein du ministère des armées, les politiques interministérielles sur ce thème. La direction à laquelle le service volontaire militaire volontaire et la commission armées-jeunesse sont rattachés s'inscrit aux côtés des armées, sous l'autorité du secrétaire général pour l'administration, comme un acteur clé des politiques de jeunesse au sein de notre ministère.
La DSNJ est organisée en trente-trois centres sur l'ensemble du territoire, métropole et outre-mer. Elle accueille dans ses rangs 1 200 personnels, répartis entre 20 % de militaires et 80 % de civils, auxquels s'ajoutent 367 militaires du service militaire volontaire. Son budget de fonctionnement s'élève à 26 millions d'euros, dont 3,3 millions d'euros pour le service militaire volontaire. Ses principales missions consistent aujourd'hui à renforcer le lien armée-nation – je préfère le terme armée-société civile, car l'armée est bien au cœur de la nation – et à développer l'esprit de défense. Elle a aussi pour mission de renforcer l'attractivité des métiers de la défense et, enfin, de favoriser l'insertion des jeunes les plus éloignés de l'emploi.
S'agissant plus particulièrement de l'esprit défense et de l'attractivité des métiers de la défense, le code de la défense prévoit pour tous les jeunes Français un parcours de citoyenneté en trois étapes obligatoires et une autre obligatoire, mais aujourd'hui suspendue (l'appel sous les drapeaux) : l'enseignement de défense, le recensement dans les mairies et la JDC. L'article L. 111-2 du code de la défense indique notamment que « L'appel sous les drapeaux permet d'atteindre, avec les militaires professionnels, les volontaires et les réservistes, les effectifs déterminés par le législateur pour assurer la défense de la nation ». L'enseignement de la défense dans le cadre de la scolarité du second degré est inscrit dans le code de l'éducation. Il comprend l'éducation civique et l'enseignement des principes et organisation de la défense.
La deuxième étape obligatoire concerne le recensement, entre 16 ans et 16 ans et trois mois, auprès de la mairie. Il permet de convoquer les jeunes à la JDC, de préparer un éventuel appel sous les drapeaux et d'alimenter le répertoire national unique permettant l'inscription sur les listes électorales. Les données sont collectées par les mairies et ensuite transmises à la DSNJ.
La Journée défense sécurité actuelle est un rendez-vous citoyen avec la défense, un dispositif obligatoire et universel unique en Europe, pour les filles et les garçons. Il est obligatoire pour obtenir le permis de conduire, pour s'inscrire aux examens et concours de la fonction publique. Il est à noter que la dernière classe dégagée de ses obligations vis-à-vis du service national, la classe 1998, a un taux de conformité à la JDC de plus de 98 %. Les jeunes sont convoqués de 17,5 ans à 25 ans, sous le statut d'appelés. Nous utilisons 350 sites et mobilisons 32 000 jours animateurs venant des armées, des directions et services, et de la gendarmerie, pour une session de sept heures. Nous y parlons des menaces, de l'organisation et des métiers de la défense et des informations sont proposés sur les sujets citoyens : don du sang, sécurité routière, égalité hommes-femmes. Cette journée permet également d'évaluer l'intérêt des jeunes pour les métiers de la défense. La JDC permet enfin de repérer et d'orienter les décrocheurs scolaires et les jeunes en difficulté de lecture.
Simultanément, la DSNJ contribue à la montée en puissance du service national universel (SNU), dont nous ne sommes cependant pas en charge. Nous opérons en revanche la Journée défense mémoire (JDM) dans le cadre du séjour de cohésion, qui équivaut à la JDC. Ainsi, 90 000 jeunes ont été concernés depuis 2019, dont 40 000 en 2023 et 82 000 sont attendus en 2024. Enfin, la DSNJ coordonne plusieurs autres dispositifs en faveur de la jeunesse, dont la plupart sont opérés par les armées, et qui touchent 80 000 jeunes supplémentaires qui ont effectué ou vont effectuer leur JDC ou leur JDM.
Parmi les dispositifs opérés par les armées, il convient d'abord d'évoquer les classes de défense, qui interviennent sur l'ensemble du territoire, soit tous les départements métropolitains et la plupart des territoires ultramarins, et l'étranger. Nous dénombrons ainsi 750 classes, dont 15 % de lycées professionnels, pour 20 000 jeunes concernés. Chaque classe est en partenariat avec une unité militaire et peut recevoir des aides financières du ministère des armées pour organiser ses activités.
Les dispositifs concernent les lycées de la défense, soit 4 500 élèves en 2023 ; les cordées de la réussite (8 500 collégiens et lycéens en 2024) ; les centres cadets (1 000 jeunes chaque année, dans vingt-huit centres) ; les préparations militaires (plus de 12 000 jeunes en 2023), pour une à quatre semaines, dans les unités militaires. Ensuite, 15 000 stagiaires et apprentis sont accueillis chaque année au sein du ministère des armées, pour acquérir une première expérience professionnelle en matière de défense. Il y a en revanche moins de 100 volontaires du service civique au sein des armées, et nous travaillons pour améliorer cette situation.
Il faut également citer les actions ponctuelles destinées à transmettre des valeurs militaires, par le sport notamment, et promouvoir les métiers de défense. Deux labels existent : « Aux sports jeunes citoyens » et les « Journées sport armées-jeunesse », ainsi que les rallyes citoyens. Environ 30 000 jeunes sont ainsi concernés. Nous participons également à de nombreux salons et forums.
S'agissant enfin de l'insertion professionnelle des jeunes en difficulté, le ministère des armées dispose du service militaire volontaire (SMV), à travers sept implantations dans six régions. Sa mission porte sur l'insertion professionnelle des jeunes Français volontaires, de 18 à 25 ans, les plus en difficulté et sans emploi ; à travers la promotion des valeurs auxquelles les armées sont attachées : le travail, le dépassement de soi, l'ascension sociale. Ainsi, 8 400 jeunes ont été formés depuis la création du service militaire volontaire en 2015. Ces jeunes bénéficient d'un double statut de militaire et de stagiaire de la formation professionnelle. L'encadrement en dehors de la formation professionnelle est militaire et le budget de formation est financé à 96 % par les régions, mais le fonds social européen y contribue également. Environ quatre-vingts métiers sont proposés et en 2024, nous mettons en œuvre avec le ministère de la justice un partenariat innovant, plus particulièrement avec la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dans le cadre du SMV.
Enfin, la dernière partie de mon intervention concerne les défis pour l'avenir, dont le premier porte sur la modernisation de la JDC, pour l'orienter plus vers l'attractivité des métiers militaires et le recrutement. Le ministre souhaite en rehausser la qualité pour en faire enfin une journée immersive et non pas descendante, durant laquelle le jeune est acteur de sa journée, selon une approche inductive, pour aller du vécu vers la théorie et les principes, et non l'inverse. Le projet est déjà assez avancé, avec un contenu original et dynamique, grâce à des ateliers très innovants et des échanges avec les militaires sur leur métier et leur expérience. Nous souhaitons recruter 1 000 animateurs réservistes, à parité hommes-femmes, jeunes ou ayant l'appétence et les aptitudes pédagogiques pour dialoguer avec les jeunes. Ces réservistes seront dédiés à la journée défense citoyenneté.
Le deuxième défi consiste à revitaliser la commission armées-jeunesse, créée en 1955 et centrée autour de trois maîtres-mots : rassembler, réfléchir, recommander. Elle regroupe une centaine de membres, issus des syndicats et des associations de tous les bords politiques, de la société civile et des institutions publiques. Le premier axe consiste à créer un laboratoire d'idées rattaché à l'Académie de défense de l'École militaire (Academ). Le deuxième vise à réinvestir les territoires en créant des commissions régionales armées jeunesse. Enfin, le troisième défi a pour objet de mener une réflexion à moyen terme sur le recensement, ses conditions et les données demandées à cette occasion ; la création d'un lien numérique durable entre la jeunesse et la défense. Nous voulons également réfléchir sur les formes nouvelles de mobilisation de la jeunesse, dans l'idée d'identifier à temps les talents et les compétences nécessaires à la défense nationale et globale.