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Intervention de Marc Hecker

Réunion du mercredi 10 avril 2024 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Marc Hecker, directeur-adjoint de l'Institut français des relations internationales (IFRI) et rédacteur en chef de la revue Politique étrangère :

J'aimerais réagir à certains points du discours qui vient d'être tenu. Nous ne devons pas sous-estimer ni surestimer la menace. À plusieurs périodes de l'histoire du djihadisme, cette menace à a été sous-estimée mais, à d'autres, elle a été surestimée, avec pour conséquence une sur-réaction.

Nous sortons de deux décennies où la guerre contre le terrorisme était le paradigme dominant, sous l'impulsion notamment de la réaction des États-Unis à la suite des attaques de 2001. Mais ensuite, cette thématique s'est installée en France à partir de 2013 pour ce qui concerne les opérations extérieures et 2015 après les attentats tragiques que nous avons subis. Le problème est que le bilan de cette guerre contre le terrorisme est pour le moins mitigé. C'est d'ailleurs le thème de l'ouvrage La guerre de vingt ans que j'ai coécrit avec Élie Tenenbaum. Nous avons essayé de déterminer, de la manière aussi distanciée que possible, ce qui n'a pas fonctionné dans notre lutte et ce qui a mieux fonctionné. Nous ne devons donc ni sous-estimer le menace, ni la surestimer au risque d'une sur-réaction.

La coopération internationale a toujours été extrêmement forte depuis deux décennies et elle est toujours très forte. Pour moi, la problématique se situe ailleurs : nous avons changé d'ère stratégique avec la volonté très claire des États-Unis et de leurs alliés – notamment la France – de refermer la parenthèse de la guerre globale contre le terrorisme. Pour les États-Unis, ce changement de paradigme s'est matérialisé très brutalement, en août 2021, avec le retrait d'Afghanistan ; pour la France, cela correspond au retrait progressif du Sahel et à la fin de l'opération Barkhane.

Nous sommes entrés dans une ère de compétition de puissances, qui s'est matérialisée en février 2022 avec l'agression russe contre l'Ukraine. Les priorités stratégiques ont donc clairement changé. Cela peut se voir dans les documents officiels produits par les ministères de la défense des principaux pays occidentaux, et même au-delà dans ceux produits par la Maison Blanche, entre autres. Cependant, les nouvelles menaces ne remplacent pas les anciennes : elles se cumulent. Nous pouvons être simultanément confrontés à une guerre dans l'Est de l'Europe et à une menace terroriste. La problématique actuelle consiste à essayer de préserver les capacités d'analyse et de lutte contre le terrorisme tout en appréhendant des menaces qui sont d'une magnitude plus importante en termes de vies humaines menacées.

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