Année après année depuis vingt-sept ans, les rapports de la Cour des comptes en matière de sécurité sociale signalent un dysfonctionnement chronique de la gestion des comptes sociaux, et cela parce que ces comptes ne bénéficient pas du même contrôle et des mêmes modalités de vote que les budgets de l'État et des collectivités territoriales. La Cour effectue des contrôles aléatoires et parcellaires, débouchant sur des révélations et des recommandations, complétées par un vote parlementaire lui aussi nécessairement parcellaire. La loi organique du 14 mars 2022 n'a pas encore changé les choses.
Cette tendance aboutit, comme vous le constatez fort bien, à une distorsion totale. Celle-ci affecte les équilibres financiers, qui ne reposent plus que pour moitié sur les revenus du travail, le reste dépendant d'une surfiscalisation croissante. Qui plus est, le sens même de la protection sociale et de la solidarité est mis en cause, du fait du remplacement progressif de prestations contributives par des prestations non contributives, facteur d'inégalité devant les fruits du travail. La transparence et la sincérité des comptes sont également affectées, comme en témoignent les dysfonctionnements graves et récurrents relevés par la Cour à chaque rapport – je pense bien entendu au taux de fraude, mais aussi au non-respect des délais de dépôt des comptes par les organismes qui en ont la responsabilité. Le comble est même atteint cette année : pour une raison conjoncturelle, la Cour a refusé de certifier les comptes de l'activité de recouvrement, ce qui est une première. Quelles qu'en soient les raisons, cela ébranle de fait le socle du PLFSS 2023.
À la lumière de vos travaux et de la loi organique de mars 2022, pensez-vous que l'article liminaire et les articles 1er et 2 du PLFSS soient suffisamment solides pour être recevables ? Compte tenu du fait que vous avez refusé de certifier les comptes des organismes chargés du recouvrement, ainsi que de vos très nombreuses remarques et recommandations, la construction du PLFSS dans sa globalité vous paraît-elle solide ?