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Intervention de Jérôme Nury

Réunion du mercredi 5 octobre 2022 à 9h35
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Nury :

La perte de notre souveraineté et de notre indépendance énergétique est indiscutable. La France, qui avait fait le choix audacieux d'un mix électrique fondé principalement sur l'énergie nucléaire et sur l'hydroélectricité, n'est décidément plus la même. La vision politique du général de Gaulle, prolongée par tous les présidents de la République jusqu'à François Hollande non inclus, a permis aux Français de bénéficier d'un approvisionnement électrique sécurisé, continu, bas-carbone et à faible coût durant des dizaines d'années, procurant un avantage industriel certain à nos entreprises, un confort de vie indiscutable à nos concitoyens et une réelle protection contre les crises pétrolières. Or nombreux sont les députés qui ne mesurent pas entièrement la chance que représentent ces choix industriels. On a joué sur les peurs, faute de pouvoir exposer des arguments scientifiques, et notre pays s'est laissé engager dans une extrême vulnérabilité. Par idéologie, voire par sectarisme, certains dirigeants politiques, et avec eux des responsables publics, des associations, des lobbyistes, n'ont cessé de dénigrer auprès de l'opinion notre savoir-faire nucléaire, tout particulièrement depuis dix ans. Ce cynisme électoral a fait perdre toute lucidité aux décideurs publics, au point d'assumer la fermeture d'une centrale nucléaire, Fessenheim, qui était pourtant encore certifié par l'Autorité de sûreté nucléaire. Elle a été sacrifiée pour satisfaire un accord électoral !

Disons les choses clairement : depuis dix ans, la France se saborde sur le plan énergétique. Une loi a été adoptée, visant à réduire la part du nucléaire dans notre mix électrique. Alors que tout indiquait que la consommation d'électricité augmenterait, la France a choisi délibérément de réduire sa production – première folie. Elle est partie prenante de la charte européenne de l'énergie, soutenant, dans ce cadre, un mécanisme de formation du prix de l'électricité en Europe qui va à l'encontre de ses propres intérêts, le prix de l'électricité étant basé sur celui du gaz, lequel explose avec la guerre en Ukraine. Sans le choix de la décroissance, nous aurions pu exporter à prix d'or de l'électricité décarbonée, mais, au contraire, les Français payent très cher une électricité pourtant produite à 80 % sur leur sol et dont les coûts ont déjà été amortis – deuxième folie. L'arrêt du projet Astrid, prototype de réacteur nucléaire de quatrième génération qui aurait permis de réutiliser les combustibles nucléaires usés pour produire de l'énergie, est un non-sens, un gâchis immense pour les ingénieurs de Cadarache, site international en faveur duquel le président Chirac s'était battu afin de conserver la recherche sur notre territoire – troisième folie. Nos actifs stratégiques ont été gérés comme de banales transactions d'achat et de revente ; le passage de nos turbines sous pavillon américain a mis en lumière une perte de savoir-faire et un manque de considération envers toute une filière – quatrième folie. Et je ne parle pas de l'insuffisance des investissements dans la maintenance des centrales ni des lacunes dans la formation des soudeurs, qui conduisent à ce que seuls vingt-neuf de nos cinquante-six réacteurs soient en fonctionnement ! Quant à la volonté d'avoir une production d'électricité entièrement issue de sources d'énergie renouvelable (EnR), sans même que cela fasse l'objet d'une stratégie globale et réfléchie, c'est une illusion qui conduit les Français à refuser localement tout projet.

Les travaux de cette commission d'enquête permettront de faire la lumière sur les raisons qui ont conduit à cette situation. Je me félicite de sa prochaine création, à l'initiative d'Olivier Marleix et du groupe Les Républicains. Nos concitoyens payent lourdement les choix énergétiques des dix dernières années, sous les quinquennats jumeaux de François Hollande et d'Emmanuel Macron, que ce soit directement sur leur facture, à travers les risques de coupures durant le prochain hiver ou par la dette ainsi créée. Toute la lumière doit être faite sur les responsables de ce désastre qui nous place dans une situation de vulnérabilité dans un contexte géopolitique particulièrement tendu. Ce sera l'honneur de la Représentation nationale que de s'y atteler.

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