Intervention de Maud Bregeon

Réunion du mercredi 5 octobre 2022 à 9h35
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaud Bregeon :

Je suis extrêmement contente qu'une telle commission d'enquête puisse avoir lieu, même si je crois que les responsabilités sont partagées, non pas sur les dix dernières années, mais plutôt sur les vingt ou vingt-cinq dernières. Vu l'état de la filière, nous nous devons de faire cette introspection.

En revanche, je suis moi aussi très étonnée par la période retenue. Dix ans, soit deux quinquennats, cela correspond peut-être au temps politique, mais pas au temps industriel. Quiconque connaît un peu cette industrie sait bien qu'elle s'inscrit dans un temps plus long. Il serait nécessaire de remonter au moins jusqu'en 2002, date de la mise en service commercial de la centrale de Civaux. Il conviendrait de s'attarder sur l'arrêt de Superphénix, qui a sonné le glas de la quatrième génération de réacteurs. On pourrait aussi s'interroger sur la restructuration de la filière, qui a conduit à la fusion de Framatome, de Cogéma et de TechnicAtome au sein d'Areva, dont on connaît aujourd'hui les déboires industriels. On pourrait parler de la programmation pluriannuelle des investissements de production électrique de 2006, qui prévoyait la production de 13 gigawatts d'éolien pour 1,6 gigawatt seulement de nucléaire, et de celle de 2009 : 5,6 gigawatts de solaire, 16 gigawatts d'éolien et, pour le nucléaire, seulement Flamanville 3 et Penly 3. En 2010, le rapport Roussely propose de différer la construction de Penly 3, et le ministre chargé de l'énergie, Jean-Louis Borloo, refuse la construction d'Atmea, réacteur qui aurait pu constituer une alternative à l'EPR, déjà considéré comme extrêmement complexe. La loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite « loi Nome », a été largement critiquée car elle a imposé à EDF de revendre à ses concurrents 25 % de sa production électronucléaire, à un prix significativement inférieur à son coût de revient ; en d'autres termes, on a demandé, pendant plus de dix ans, à EDF de subventionner ses concurrents pour qu'ils puissent lui piquer des parts de marché ! Et comment peut-on affirmer vouloir créer une commission d'enquête sur l'état de la filière sans prendre en considération l'année 2011, qui, avec l'accident de Fukushima et ses répercussions sur le plan tant national qu'international, a sonné le début de « l'hiver du nucléaire » ? Bref, le choix de la période 2012-2022 m'apparaît bien partial !

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