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Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du mercredi 5 octobre 2022 à 17h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Agnès Pannier-Runacher, ministre :

Monsieur Brosse, l'autoconsommation collective a été intégrée dans le volet réglementaire du grand plan de développement des énergies renouvelables que j'ai mentionné. Nous avons pris trois mesures de soutien : le versement d'une prime à l'investissement, en une seule fois et non plus en cinq, afin de limiter le reste à charge de ceux qui réalisent l'investissement ; la prise en compte de l'inflation dans le tarif de revente au réseau – ce qui relevait de l'évidence, mais encore fallait-il le faire ; la facilitation des schémas d'autoconsommation dans lesquels le producteur n'est pas le consommateur, mesure qui était très demandée par les collectivités locales. Le texte correspondant a été validé par le Conseil supérieur de l'énergie.

Concernant les rénovations thermiques, monsieur Guillemard, il y a plusieurs sujets à traiter. Le premier, qu'il faut aborder spécifiquement et prendre à bras-le-corps, ce sont les 12 millions de Français en situation de précarité énergétique. Même s'ils ne sont pas toujours en même temps en situation de précarité sociale, ils ne sont pas nécessairement les mieux outillés pour abouter les différentes mesures que nous proposons, à plus forte raison s'il s'agit de réaliser une rénovation approfondie, avec deux à quatre gestes significatifs. Le montage du dossier pour bénéficier de MaPrimeRénov' est, il faut le reconnaître, complexe, notamment lorsqu'il faut la combiner avec des mesures permettant de financer le reste à charge telles que le prêt d'honneur ou le prêt à taux zéro.

À cela s'ajoute la nécessité de trouver un autre logement pendant la période de rénovation. Dans mon territoire, qui fait partie du bassin minier, de nombreuses rénovations thermiques sont réalisées dans le logement social. Or il est très difficile pour les gens de quitter la maison, souvent familiale, qu'ils ont habitée pendant quarante ou cinquante ans, même si c'est pour aller vivre pendant six mois dans un logement de transition situé trois rues plus loin. Il faut prendre en considération ces réalités humaines et sociales.

L'accompagnement est donc un véritable enjeu. Nous avons déployé des facilitateurs pour MaPrimeRénov'. Les collectivités locales, notamment celles du bloc communal, ont beaucoup à apporter en la matière. Il faut tendre, d'une manière ou d'une autre, vers le zéro reste à charge, en valorisant les contrats de performance énergétique. Mme Emmanuelle Wargon, précédente ministre déléguée chargée du logement, avait pris de nombreuses mesures pour faciliter, massifier et accélérer les rénovations thermiques, tout en accompagnant les Français dans cette démarche. Les ménages en situation de précarité énergétique restent ma première préoccupation.

Les autres sujets sont la rénovation thermique des copropriétés, les rénovations globales, ou encore la modulation des aides en fonction de la performance de la rénovation. S'agissant du dernier point, nous disposons d'outils qui permettent de suivre la performance énergétique au fil des années. Il s'agit de montrer si la consommation d'électricité ou de gaz a effectivement baissé.

Vous vous inquiétez, monsieur Causse, des refus d'offre. C'est tout l'objet de la charte d'engagements que tous les fournisseurs d'énergie ont signée aujourd'hui même. Elle exige notamment que chaque fournisseur propose au moins une offre pour l'année 2023 à ses clients professionnels. En outre, l'État a pris une décision importante : il contre-garantira le risque d'impayés, qui augmente en même temps que le prix de l'électricité, et qui est en principe intégré dans la tarification par un calcul actuariel. Nous ferons baisser cet élément du prix dans les prochaines semaines. Cela fera l'objet d'un amendement au projet de loi de finances.

Vous n'êtes pas le premier à me signaler les difficultés à faire assurer les panneaux photovoltaïques. Je vous apporterai une réponse ultérieurement.

Monsieur Adam, le stockage de l'énergie est effectivement un enjeu, dont l'importance va croître à mesure que nous « décentralisons » la production d'énergie. Faut-il prévoir un crédit d'impôt ? Nous devons combattre notre tendance naturelle à créer de nouvelles niches fiscales, mais il faut traiter cette question.

Plusieurs d'entre vous – MM. Adam, Buchou et Vatin – m'ont interrogée sur l'hydrogène. Nous avons adopté en 2020 une ambitieuse stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène, dotée de 9 milliards d'euros. Elle porte sur l'hydrogène bas-carbone, à savoir l'hydrogène renouvelable ou produit grâce à l'énergie nucléaire. Actuellement, cet hydrogène n'est pas compétitif, les coûts de production étant environ trois fois plus élevés que pour l'hydrogène classique.

Notre stratégie vise d'abord à développer les briques technologiques de la filière hydrogène : piles à combustible, solutions de stockage, électrolyseurs. L'entreprise Lhyfe, citée par M. Buchou, fait partie de ces briques.

En outre, nous accompagnons, avec l'Ademe, les territoires qui s'engagent dans des projets d'hydrogène. L'agglomération de Dijon, où je me suis rendue récemment, développe en la matière un projet complet, incluant la formation et la recherche universitaire, la production par des électrolyseurs, et l'utilisation, notamment pour les transports en commun.

Enfin, nous avons investi dans un projet important d'intérêt européen commun (Piiec). Sur quarante et un projets sélectionnés dans le cadre de ce Piiec, dix sont français ; notre pays a obtenu la part du lion. Cela nous permet d'accompagner l'industrialisation et l'implantation de sites de production – et non pas seulement l'émergence de solutions de recherche et développement.

Nous sommes plus avancés en matière de batteries électriques. Le plan lancé en 2018 par le Président de la République et M. Bruno Le Maire se traduit par l'installation de trois gigafactories à Dunkerque et Douai, dans le Nord, et à Douvrin, dans le Pas-de-Calais.

Concernant l'amont, un travail a été fait sur les composants des batteries électriques et sur les matières premières. Dans mes précédentes fonctions, j'ai porté cette question au niveau européen, dans le cadre du Conseil compétitivité. Nous avons élaboré avec le Commissaire européen M. Thierry Breton un règlement sur les matières premières critiques – Critical Raw Materials Act –, indispensable pour sécuriser notre approvisionnement et pour nous assurer de la manière dont ces matières sont extraites et raffinées avant d'être incorporées dans les batteries.

Il y a ensuite toute la question de la formation et des compétences. Nous avons lancé avec M. Maroš Šefčovič, vice-président de la Commission européenne, une Académie européenne de la batterie – European Battery Academy.

Au total, nous avons investi plus de 6 milliards d'euros dans le domaine des batteries.

Madame Maillart-Méhaignerie, je reviendrai vers vous au sujet des arrêtés relatifs aux accompagnateurs France Rénov'.

Vous avez raison, madame Brulebois, il faut accélérer le déploiement des énergies renouvelables. Vous aurez prochainement entre vos mains un outil législatif à cette fin.

Il faut effectivement développer les CSR. Grâce au fonds Chaleur et au plan France relance, nous avons soutenu des projets visant à remplacer le charbon dans l'industrie. Je pense notamment à l'ancienne usine Solvay de Dombasle, en Meurthe-et-Moselle. Je suis persuadée qu'il y a encore beaucoup à faire en la matière.

Monsieur Valence, le covoiturage figure bien dans le plan de sobriété énergétique. M. Clément Beaune et moi ferons demain des annonces plus précises à ce sujet.

Madame Le Feur, l'agrivoltaïsme sera un bel objet du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, d'autant que la commission des affaires économiques du Sénat a adopté ce matin à l'unanimité une proposition de loi tendant à favoriser son développement. Le Gouvernement a fait part de son ouverture pour travailler sur l'agrivoltaïsme avec le Parlement, afin d'en préciser la définition et de concilier l'enjeu de souveraineté énergétique et l'enjeu de souveraineté alimentaire – ce dernier étant notamment mis en avant par les Jeunes Agriculteurs. Il y a un certain nombre de sujets à traiter : réfléchir à des solutions démontables ; veiller à ce que l'agriculteur ne devienne pas un producteur d'énergie au détriment de sa vocation première ; lever les incertitudes au sujet de la compatibilité avec les aides de la politique agricole commune (PAC).

Madame Cousin et Monsieur Dragon, je vais être très directe : il n'est ni sérieux ni très digne de la part de représentants élus, qui portent à ce titre une responsabilité, de relayer des fausses nouvelles, quand bien même elles figurent dans la presse. Je vous renvoie au communiqué de presse de RTE et aux vérifications faites par la presse elle-même. Il ne s'agit pas de bloquer l'utilisation des chauffe-eau ; il s'agit de ne pas les activer pendant les heures pleines, moment où les usagers en ont le plus besoin mais paieraient le plus. Cela paraît de bon sens, puisque les chauffe-eau peuvent être mis en route à un autre moment de la journée, l'eau restant ensuite chaude à l'intérieur. Il sera toujours possible à l'usager de forcer l'activation du chauffe-eau.

Monsieur Villedieu, la sobriété n'est pas l'arrêt de la production ; c'est la chasse au gaspillage. Abaisser le chauffage à 19 degrés dans les locaux du ministère de la transition énergétique n'empêchera pas les chaînes de production de fonctionner. Évitons de mélanger les sujets.

Vous avez raison, nous aurons besoin de produire davantage d'électricité, notamment pour développer les voitures électriques. Toutefois, la temporalité de ce développement n'est pas celle de la crise énergétique : nous n'allons pas multiplier par dix le nombre de voitures électriques dans les quatre mois qui viennent ; nous n'avons ni la production disponible ni les moyens financiers pour ce faire. C'est la PPE qui permettra d'accompagner la filière. Comme l'a relevé M. Adam, les nouvelles solutions de stockage, de chargement et de renvoi de l'énergie vont changer notre manière de piloter le système énergétique. Le véhicule-réseau – vehicle-to-grid – existe déjà, mais c'est une des solutions énergétiques du futur.

Madame Da Conceicao Carvalho, la puissance de la centrale de Fessenheim était équivalente à celle de 300 éoliennes, et non de 3 000. Il faut être rigoureux dans l'utilisation des chiffres.

Vous estimez que la fermeture de la centrale aurait pu être évitée. Je vous invite à interroger l'ASN à ce sujet. Elle vous indiquera probablement qu'il faut plusieurs années pour redémarrer une centrale dont les maintenances ont été suspendues. Il est en effet nécessaire de réaliser plusieurs types de maintenances – annuelles, triennales, décennales – pour prolonger la vie des centrales. Lorsqu'un gouvernement prend la décision de fermer une centrale, comme cela a été le cas pour Fessenheim en 2012, l'exploitant, de manière assez logique, continue les maintenances courantes, mais arrête les maintenances à long terme. Telle est la situation dans laquelle se trouvaient ces deux réacteurs lorsque nous sommes arrivés aux affaires.

Monsieur Vatin, un chèque énergie sera versé dans les prochaines semaines aux 50 % de ménages les plus modestes qui se chauffent au fioul, soit environ 1,6 million de foyers. Le montant sera de 200 euros pour les ménages des deux premiers déciles, et de 100 euros pour les ménages du troisième au cinquième déciles. Nous nous baserons sur ce que nous savons de la consommation des Français au cours des dernières années. Nous utiliserons le circuit habituel du chèque énergie, qui fonctionne bien. Avec ce chèque, les ménages peuvent payer directement le fournisseur de fioul, mais ils peuvent aussi l'utiliser pour régler toute autre facture d'énergie, notamment s'ils ont déjà rempli leur cuve de fioul.

Il y aura en outre, en fin d'année, un chèque énergie exceptionnel pour 40 % des ménages, valable aussi bien pour les dépenses de fioul que pour les pellets, comme c'était déjà le cas auparavant. Vous avez raison de rappeler l'augmentation du prix des pellets. La Première ministre souhaite que nous travaillions sur l'accompagnement des Français qui utilisent le bois-énergie ou les pellets. Nous avons aussi pris des mesures pour sécuriser l'approvisionnement en pellets : à un moment où la filière était soumise à une forte tension, nous avons soutenu la production française de pellets par des appels à projets.

J'ai répondu précédemment sur l'hydroélectricité, monsieur Dubois. Il y a probablement un potentiel supplémentaire, notamment sur les installations d'EDF, mais il faut traiter les choses dans le bon ordre.

Concernant la petite hydroélectricité, madame Lasserre, nous devons être vigilants sur deux points : les conflits d'usages et le risque d'une diminution structurelle de la ressource en eau dans les années qui viennent en raison du réchauffement climatique. M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, travaille à un plan Eau.

Monsieur Ott, je note votre proposition d'installer des panneaux photovoltaïques sur les églises alsaciennes. Des idées analogues sont ressorties des discussions informelles que nous avons eues lors de l'élaboration du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Ce n'est pas un sujet simple, nous pouvons tous en convenir. Je serais ravie que l'on trouve des solutions équilibrées, qui permettent d'avancer tout en préservant le patrimoine. Il faudrait une certaine homogénéité des solutions : dès lors qu'une solution est considérée comme équilibrée, elle devrait être applicable sur l'ensemble du territoire.

Madame Jourdan, je prends bonne note de vos arguments concernant le plan de sobriété que vous proposez.

Madame Pochon, nous avons finalisé le décret relatif aux règles d'extinction des publicités lumineuses pendant la nuit. La loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat prévoit en outre la possibilité d'interdire toute publicité lumineuse en cas de menace pour la sécurité d'approvisionnement en électricité, autrement dit en cas de signal Écowatt rouge.

Nous avons demandé aux grands acteurs publics de réduire leur empreinte en la matière. Attention toutefois aux chiffres qui circulent : il n'est pas tout à fait exact que la consommation électrique d'un écran publicitaire équivaut à celle d'un ménage français pendant un an ; tout dépend de quel écran et de quelle technologie il s'agit.

Notre réponse combinera, là aussi, la sobriété et l'efficacité énergétiques. Les mesures symboliques sont importantes – quand on éteint, cela se voit ! –, mais il faut privilégier les mesures les plus efficaces. Pour un acteur tel que la RATP, par exemple, il n'y a pas de commune mesure entre l'énergie consommée par le freinage de ses véhicules et celle que consomment ses écrans publicitaires. L'argent que lui rapporte sa régie publicitaire lui permet d'investir pour réaliser des économies d'énergie plus significatives.

De telles réponses peuvent déplaire, car il y a toujours un goût pour les grandes annonces. Notre responsabilité vis-à-vis des Français est de réduire la consommation d'énergie de manière durable. Nous le ferons, mais pas n'importe comment, et sans chercher à faire des coups politiques pour passer dans le journal de vingt heures.

Monsieur Taupiac, la simplification des procédures d'autorisation est tout l'objet du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Quant à l'autorité environnementale, elle est indépendante, et c'est un élément d'équilibre important.

S'agissant des investissements et des difficultés des collectivités territoriales, outre les mesures prévues dans le projet de loi, il y a plusieurs pistes intéressantes : les PPA, même s'il faut alors mener une réflexion, qui n'est pas simple, sur la manière de traiter d'un côté les investissements, de l'autre les dépenses ; les contrats de performance énergétique ; l'investissement dans des tranches d'énergies renouvelables afin de sécuriser un coût de l'électricité, ou dans le biogaz si la collectivité dispose d'une flotte de véhicules au biogaz – les collectivités sont plutôt ouvertes à de tels investissements.

Il faut néanmoins être vigilant quant à l'impact sur les finances publiques ; il ne faudrait pas qu'il joue contre nos intérêts. Nous devons tenir notre trajectoire de finances publiques, pour des raisons de crédibilité financière. En ce moment, les pays qui sont moins rigoureux dans leur gestion sont confrontés à une augmentation de l'écart de taux d'intérêt – je pense notamment à ce qui vient de se passer au Royaume-Uni.

Avec M. Christophe Béchu, nous allons créer un Fonds vert, qui a vocation à faciliter et accompagner les investissements dans les territoires. Notre objectif est que les collectivités locales continuent à investir. Nous sommes bien conscients que les situations sont très diverses : certaines collectivités font effectivement face à une flambée des prix. Nous travaillons sur cette question.

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