Après les avoir spoliés de leurs terres, la France les parque dans d'étroites réserves et les soumet à des restrictions de circulation ainsi qu'à des travaux forcés. Les Kanaks subiront cette situation inhumaine jusqu'à leur accession à la citoyenneté française, en 1946, où est aboli le code de l'indigénat.
Dans les années 1970, les revendications indépendantistes se développent. En 1983, la déclaration de Nainville-les-Roches reconnaît d'une part le droit inné et actif des Kanaks à l'indépendance, d'autre part les victimes de l'histoire : manière d'affirmer que font partie de la collectivité calédonienne les personnes qui sont là sans l'avoir choisi, descendants des bagnards ou des engagés d'autres colonies. Mais, un an plus tard, la loi du 6 décembre 1984, dite statut Lemoine, ne prévoit qu'une autonomie accrue, sur une base électorale incluant les personnes arrivées de fraîche date. Les Kanaks dénoncent la négation de leur droit à l'autodétermination et organisent le boycott actif des élections territoriales. S'ensuivent quatre années de violences, qui font des dizaines de morts et s'achèvent dans un bain de sang, avec la prise d'otages dans la grotte d'Ouvéa : au cours de l'assaut du GIGN, deux parachutistes et dix-neuf Kanaks sont tués.
Si je rappelle ces éléments historiques, c'est que la situation actuelle, ici et là-bas, fait largement écho à ce qui s'est passé alors. En 1988, les accords de Matignon-Oudinot permettent de rétablir la paix civile, en prévoyant une période de transition de dix ans devant aboutir à un référendum d'autodétermination. L'accord de Nouméa, en 1998, va plus loin : il reconnaît de facto que les Kanaks sont un peuple colonisé et vise à aboutir à une souveraineté fondée sur le projet d'un destin commun. Il s'agit de fixer les contours d'une communauté historique dont l'enracinement légitime la capacité à décider de l'accession ou non du territoire à l'indépendance. Le compromis historique alors conclu crée la citoyenneté calédonienne, sur la base d'un corps électoral restreint pour les référendums d'autodétermination et les élections des assemblées des provinces. Ce gel du corps électoral ne peut donc se comprendre qu'au regard de la longue histoire du peuplement forcé du territoire.