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Intervention de Christophe Blanchet

Séance en hémicycle du mardi 14 mai 2024 à 9h00
Questions orales sans débat — Sauveteurs en mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Blanchet :

Le 14 janvier 2021 à vingt-trois heures trente-cinq, le chalutier Breiz coulait au large de Ouistreham, avec à son bord trois marins-pêcheurs : Quentin Varin, 26 ans, et les frères Steven et Jimmy Gibert, 27 et 19 ans. J'ai évidemment une pensée pour leurs familles endeuillées et tout le monde de la pêche.

De nuit, par un temps dantesque, sous des rafales de 30 nœuds et avec une houle de plus de 2 mètres, les sauveteurs bénévoles de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) de Ouistreham ont essayé de sauver ce chalutier et ses pêcheurs. Mais rien n'y a fait et, en quelques secondes, après un début de remorquage, le navire disparaissait sous leurs yeux consternés et choqués. L'échec d'une mission, chaque sauveteur de la SNSM le vit toujours comme un échec personnel, d'autant plus lorsqu'une vie a été perdue.

Le capitaine Philippe Capdeville, dit Philibert, marin de profession ayant à son actif 900 missions opérationnelles pour la SNSM, était à la manœuvre cette nuit-là. Prix de son engagement : il a été requis contre lui un an de prison avec sursis et une interdiction de navigation de deux ans pour négligence et faux d'un document de bord. En effet, lorsque l'équipage de Ouistreham sort, c'est pour un remorquage, et non pour un sauvetage. Lorsqu'un sauvetage tourne mal, les équipiers ne sont pas inquiétés, mais si c'est un remorquage, ils peuvent l'être, et c'est bien pour cela que la justice a été saisie. La SNSM compte 11 000 bénévoles, que je tiens à saluer et remercier ici. Ils ont effectué plus de 9 000 sorties en 2023, et en 150 ans d'existence, c'est la première fois que l'un d'eux est poursuivi pour de tels faits.

Par respect pour la séparation des pouvoirs, je ne conteste pas ici cette action en justice, qui interroge néanmoins sur le devenir du bénévolat dans notre modèle de sécurité civile, toute la stratégie de sécurité en mer étant remise en cause. Les bénévoles de la SNSM sont prêts à risquer leur vie pour sauver un marin en danger, quel qu'il soit, parce qu'ils savent que d'autres le feraient aussi pour eux – c'est ce qu'on appelle la solidarité des gens de mer. Il n'y a qu'une chose qu'ils ne peuvent pas supporter au motif de porter secours : risquer la prison. Si l'on suit cette pente glissante, demain, lorsque des vies humaines ne seront pas en danger immédiat, les sauveteurs évalueront au cas par cas le risque judiciaire encouru par l'équipe et refuseront d'intervenir s'il leur paraît disproportionné. Le jugement qui sera rendu le 4 juin nous mettra devant notre responsabilité de législateurs : ces bénévoles ont-ils une obligation de moyens ou une obligation de résultat ? Monsieur le ministre, comment comptez-vous protéger tous les bénévoles de notre modèle de sécurité civile contre les risques extérieurs à leur mission, qui est de sauver des vies ? Comment mieux protéger les bénévoles de la SNSM quand ils assurent une mission d'intérêt général à la demande des services de l'État ?

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