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Intervention de Sandrine Le Feur

Séance en hémicycle du mardi 14 mai 2024 à 9h00
Questions orales sans débat — Filière française de l'échalote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Le Feur :

Bavette, sauce au beurre blanc, béarnaise : l'échalote traditionnelle sublime les plats emblématiques de la gastronomie. Pourtant, malgré sa notoriété, l'échalote française n'est pas protégée, et son nom est parfois usurpé. De pâles copies livrent une concurrence déloyale à l'échalote, au détriment de la filière mais aussi du consommateur, trompé par des dénominations mensongères. Des variétés de semis issues botaniquement de l'oignon sont commercialisées depuis quelques années sous l'appellation d'échalion, habile dénomination marketing, qui entretient la confusion.

Par ailleurs, des variétés d'oignon de semis de petit calibre sont aussi commercialisées sous la dénomination d'échalote. Il s'agit d'une manœuvre pour normaliser des variétés qui ne présentent pas les caractéristiques botaniques de l'échalote. À la différence de ces oignons, dont le semis est mécanisé, les échalotes de Bretagne sont cultivées de manière traditionnelle : c'est la plantation d'un bulbe qui donne naissance à plusieurs bulbes d'échalote. L'authenticité de l'échalote repose sur cette division bulbaire, qui n'existe pas chez l'oignon. Elle suppose également un savoir-faire unique : l'arrachage se pratique toujours à la main – un hectare mobilise 150 heures de main-d'œuvre. L'échalote est donc sensible à la concurrence de variétés qui nécessitent moins de main-d'œuvre.

L'échalote traditionnelle est un exemple de distorsion de concurrence. Cette distorsion, contre laquelle vous vous battez, existe même entre voisins européens. L'exemple de l'échalote n'a rien d'anecdotique : l'empreinte économique de cette culture est importante, notamment dans le Finistère. Pas moins de 250 producteurs et une quinzaine de sociétés de négoce et de multiplicateurs y participent à la culture de l'échalote, ce qui représente 1 200 emplois directs, de la plantation au conditionnement.

L'arrivée récente de la variété Innovator, conçue par un semencier néerlandais, fait peser un risque considérable sur la filière de l'échalote traditionnelle dans la mesure où cette nouvelle variété présente un potentiel de rendement et de rentabilité inédit. En violation totale des principes et critères du protocole de l'Office communautaire des variétés végétales (OCVV), agence communautaire assurant la protection des variétés végétales, les Pays-Bas se sont permis d'ajouter l'oignon Innovator à la section de leur catalogue national officiel des espèces et variétés de plantes cultivées recensant les variétés d'échalote. Comme les tests établissent sans ambiguïté que cette variété n'est autre qu'un oignon ne présentant pas la capacité de multiplication végétative d'une échalote, j'ai saisi la Commission européenne et sa direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire : elles ont reconnu un dysfonctionnement des règles européennes et m'ont indiqué retirer le certificat d'obtention végétale à la variété Innovator, qui sera donc soumise à un nouvel examen technique.

Il conviendrait d'exiger que les instances d'examen de nos deux pays mènent une analyse conjointe. Cette clause existait dans le protocole européen jusqu'en 2009 : en cas de variété se situant dans la zone grise, un échange de matériel végétal entre les instances était prévu, et, en cas de désaccord, un tiers neutre était chargé de trancher.

Défendre l'échalote face à la concurrence déloyale des oignons de semis, c'est pérenniser les exploitations familiales, maintenir le potentiel de production des territoires, conserver l'emploi et préserver le revenu des exploitants. Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, les fermes du Finistère comptent sur vous pour protéger l'échalote des imitations et faire respecter les protocoles européens.

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