Ma question porte sur l'ensemble du secteur automobile. On vend souvent, à la télévision, le mirage de Dunkerque. Mais la réalité du secteur automobile français, vous le savez, est bien plus sombre.
Seulement 23 % des véhicules achetés en France sont fabriqués sur notre territoire, contre 56 % en 2003. Notre balance commerciale est clairement déficitaire dans ce secteur d'activité, et le nombre d'emplois y est passé de 300 000, en 2000, à 190 000, aujourd'hui. Les syndicats estiment que plus de 100 000 emplois pourraient encore disparaître d'ici dix ans, si vous ne changez pas de politique.
Le virage vers l'électrique est présenté comme une chance de nous réindustrialiser, et nous saluons le conditionnement du bonus écologique à un score CO
Les ZFE (zone à faibles émissions), sans encadrement du prix des véhicules, ont été une aubaine pour les constructeurs qui ont augmenté leurs tarifs et se sont enrichis, comme jamais auparavant, sur les aides publiques. Le prix de la Dacia Spring de Renault a, par exemple, augmenté de 3 810 euros entre 2021 et 2023. Il a ensuite chuté de 2 400 euros après l'arrêt du bonus écologique, ce qui démontre la prédation à laquelle se livrent les constructeurs et au sujet de laquelle je vous avais alerté pendant toute l'année 2023.
En 2024, l'augmentation des prix pratiquée par les constructeurs, la limitation des aides publiques et l'exclusion de certains véhicules du bonus écologique, sans encadrement des prix, ont fait augmenter le reste à charge de 3 000 euros en moyenne, pour un consommateur français désireux d'acquérir un véhicule électrique.
L'arrêt brutal du leasing social, un à deux mois après sa mise en place, décourage définitivement les classes populaires d'accéder à un véhicule électrique.
Vendus trop cher, les véhicules électriques made in France trouvent peu de clients. En conséquence, les usines Renault de Cléon ou de Douai sont régulièrement au chômage partiel. Il y a quinze ans, le parking des salariés de l'usine de Cléon, dans ma circonscription, était rempli des véhicules qu'ils produisaient. Aujourd'hui, ces salariés ne peuvent plus se payer que la Dacia qui concurrence leur propre emploi. Voici le résultat de vingt ans de course à la compétitivité : des salariés obligés de creuser leur propre tombe.
Mais le pire est que les marges explosent dans le secteur : elles ont augmenté de 7 % pour Renault, tandis que Stellantis a réalisé en 2023 18 milliards de bénéfices, devenant le numéro 2 du CAC40. Pourtant Renault supprime 1 700 emplois en un an et va produire la Legend en Chine et en Slovénie ; on apprend que Stellantis va produire la C3 en Slovaquie, elle qui vient d'annoncer la mise à mort du dernier site de production automobile de Seine-Saint-Denis, celui de son sous-traitant MA France, qui employait 400 personnes.
Les conditions des salariés restant dans le secteur ne sont guère vivables. Les ouvriers commencent à peine au-dessus du Smic, pour faire les trois-huit. Les licenciements pour troubles musculo-squelettiques se multiplient.
Ma question est simple : avez-vous l'intention de continuer encore longtemps à arroser le secteur automobile d'argent public, sans demander de contrepartie sur la baisse du prix des véhicules made in France, sur la création d'emplois en France et sur des rémunérations décentes pour les salariés français ?