Ce débat est bienvenu : dans une actualité chargée sur le plan des finances publiques, il me donne l'occasion de clarifier devant vous plusieurs aspects de la politique que nous menons. Que pouvons-nous retenir de vos interventions ? D'un côté, le Gouvernement conduirait une violente politique d'austérité. De l'autre, il laisserait exploser la dette et les dépenses de façon irresponsable. La vérité doit certainement se trouver entre ces postures, à bonne distance de ces caricatures respectives.
Ceux qui nous accusent aujourd'hui de dépenser trop sont les mêmes qui nous demandaient, il y a encore quelques mois, des dépenses supplémentaires. Permettez-moi de le rappeler : une unanimité existait sur ces bancs en faveur d'une politique de protection des ménages, des entreprises et des collectivités face à la crise sanitaire, aux conséquences de la guerre en Ukraine et à l'inflation.
Notre politique repose sur une réalité, sur un constat et sur une ambition. Commençons par évoquer la réalité : la dépense publique annuelle de la France s'élève à 1 600 milliards d'euros et représente 57,3 % du PIB – le taux le plus élevé d'Europe. Elle finance l'ensemble de l'action de l'État, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale : l'éducation, la défense, la sécurité, la recherche, la protection des plus fragiles, le soutien à l'investissement, l'action des élus dans les territoires – en somme, toutes nos politiques publiques. Il importe d'avoir en tête les ordres de grandeur pour pouvoir ensuite les mettre en perspective.
Venons-en au constat : en dépit d'un contexte économique international moins favorable, la croissance française reste solide. Nous ne sommes pas le seul pays européen à avoir abaissé sa prévision de croissance en début d'année : en février, l'Allemagne a revu sa prévision de croissance pour 2024 à 0,2 % au lieu de 1,3 % initialement ; désormais, le gouvernement italien table sur une croissance de 1 % cette année, contre 1,2 % précédemment. Malgré cette conjoncture moins favorable, les fondamentaux de la croissance française restent solides, soutenus par les réformes structurelles, les investissements consentis depuis 2017 et, de façon plus conjoncturelle, par l'accélération de la consommation des ménages permise par la baisse de l'inflation, qui est désormais de 2,2 %. Les derniers chiffres de l'Insee montrent par ailleurs que l'acquis de croissance pour 2024 s'élève désormais à 0,5 % à la fin du premier trimestre, ce qui conforte notre prévision de 1 % pour l'année. Et, pour la cinquième année consécutive, la France est le pays le plus attractif d'Europe.
Terminons par l'ambition : ramener le déficit sous les 3 % du PIB. Depuis le début des crises successives, en 2020, nous avons été au rendez-vous pour protéger nos compatriotes, grâce au chômage partiel, au fonds de solidarité, aux vaccins ou encore au bouclier tarifaire. Pour protéger le pouvoir d'achat face à l'inflation, nous avons instauré des dispositifs indispensables, qui n'en ont pas moins un coût. Nous sortons de ces crises en ayant préservé notre économie, nos emplois et notre potentiel de croissance.
Il faut le dire : sans le « quoi qu'il en coûte », la crise nous aurait en réalité coûté beaucoup plus cher. Nous devons maintenant retrouver le chemin de la réduction du déficit, en le ramenant sous les 3 % en 2027, comme nous l'avons fait en 2018 et 2019. Précisons que ce chiffre est non pas un totem, mais la cible qui permet de stabiliser la dette.
Pour tenir cet engagement, notre stratégie repose sur des efforts ciblés qui n'ont rien à voir avec l'austérité. S'agissant des dépenses de l'État, nous avons annulé 10 milliards d'euros de crédits pour l'année 2024. Je reconnais qu'il s'agit d'un effort, dans lequel tous les ministères se sont engagés. Je reconnais aussi qu'il s'agit d'une décision inédite dans l'histoire budgétaire, qui témoigne de notre détermination et de notre capacité à prendre des décisions difficiles.
Néanmoins, je le rappelle, contrairement aux propos qui ont été tenus ce soir, ces annulations ont été faites dans un cadre totalement conforme à la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Nous les avons assumées et précisées devant la représentation nationale à plusieurs reprises, sans jamais nous dérober. Par ailleurs, les 10 milliards annulés représentent moins de 1,5 % des crédits ouverts pour le périmètre des dépenses de l'État. Surtout, ils sont à mettre en regard des 1 600 milliards de dépenses publiques, les dépenses de l'État ayant augmenté massivement depuis 2019. On est donc loin de l'austérité.