Nous sommes réunis ce soir, à l'initiative du groupe La France insoumise, pour évoquer les politiques d'austérité et les conséquences qui en découleraient pour le pays. Disons-le d'emblée, le terme d'austérité ne correspond guère, selon nous, à la réalité.
En effet, la sortie du « quoi qu'il en coûte », après la crise du covid-19, ne signifie pas pour autant la restriction budgétaire. Pour l'État, les dépenses autorisées s'élèvent cette année à 480 milliards d'euros, le solde budgétaire prévu étant de moins 174 milliards. L'Agence France Trésor (AFT) empruntera 285 milliards, sachant que le montant de la dette publique est de l'ordre de 3 200 milliards.
En France, la dépense publique représente 53 % de la valeur créée annuellement. Dans le même temps, le taux de prélèvements obligatoires est l'un des plus élevés au monde, puisqu'il représente près de 44 % de la richesse totale créée. Alors même que le taux de l'emploi public est déjà le plus haut de l'OCDE, 59 000 nouveaux emplois publics ont été créés en 2023.
Une politique sociale forte est maintenue, dont il ne faut sous-estimer ni l'ampleur ni l'utilité. Par exemple, 60 milliards d'euros sont versés chaque année au titre de l'assistance sociale, et 66 milliards d'euros d'allègements de charges sociales sont concentrés sur le soutien au Smic. Compte tenu de ces différents éléments, il est difficile de parler d'austérité.
Cependant, notre propos n'est pas de dresser un panorama idyllique des réalités. Depuis quelques années, la situation n'a cessé de se dégrader : la dette est considérable ; le déficit est toujours plus important ; les impôts sont écrasants pour certains ; l'action publique n'a jamais été aussi peu estimée. Certes, le covid-19 est passé par là et le « quoi qu'il en coûte » était indispensable. Toutefois, face à cette situation, aucune coalition solide n'a été recherchée et les oppositions n'ont jamais été associées à l'action publique. Du recours au 49.3 au monologue de Bercy, une route solitaire est tracée. À une loi de finances rectificative, autrement dit à un vote de la représentation nationale, le Gouvernement préfère des décrets d'annulation de crédits. Ces coupes brutales, décidées sans concertation, sont dramatiques et créent un précédent grave, puisque la représentation nationale est muselée sur des questions budgétaires.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires s'efforce de suivre une ligne claire, qui tend à un rééquilibrage juste des comptes publics – juste, car il s'agit de taxer en fonction des ressources, d'oxygéner la création de richesses et de soutenir ceux qui sont les plus en difficulté. Certes, notre groupe est peu nombreux et ses marges de manœuvre sont contraintes, mais nous ne sommes pas avares de propositions. Je pense aux propositions de loi de mon collègue Benjamin Saint-Huile, l'une visant à réduire le déficit de l'État et à améliorer l'équité du système fiscal français, l'autre à taxer les rachats d'action. Je pense également à celle de Christophe Naegelen, qui propose d'élargir l'assiette de la TTF, à celle qui porte sur la taxation des superprofits ou encore à celle que j'ai déposée, qui vise à accroître la part des résidents nationaux parmi les détenteurs de la dette publique.
Autrement dit, il existe des gisements de recettes potentielles, qui seraient de nature à financer des politiques utiles, par exemple l'extension du chèque énergie, qui aide les travailleurs périurbains et ruraux – nous avions un accord à ce sujet.
Notre groupe entend aussi porter la voix des territoires. Dans ce domaine, le moins vertueux, c'est-à-dire l'État, impose aux plus sages, les collectivités, de pallier ses lacunes, sans concéder la moindre autonomie fiscale et en réduisant les ressources dont elles disposent. Il y a là un domaine majeur d'évolution des relations entre l'État central et les territoires. Il faudra traiter cette question, qu'on le veuille ou non.
Permettez-moi d'ajouter, en tant que député de la Corse, que celle-ci attend, dans son immense majorité, l'attribution de compétences qui lui permettraient d'améliorer sa situation économique et sociale et, plus largement, la reconnaissance de sa particularité historique, qui est de nature certes géographique, mais surtout culturelle et sociétale, donc politique. L'idée est non pas de cultiver les particularismes, mais d'adapter la gestion, le plus finement possible, aux réalités concrètes.
Nous sommes confrontés à une situation difficile sur les plans économique, social et budgétaire. Face à un monde dangereux, de tensions et de compétition, face à ces réalités inquiétantes, la meilleure réponse réside dans l'exercice démocratique, dans l'esprit de responsabilité et dans la solidarité sociale. Les marges de manœuvre sont limitées, mais elles existent et il est de notre devoir de les employer.