Le 10 avril 2024, le Parlement européen a adopté le pacte sur la migration et l'asile. Nous pensons qu'il ne résoudra en rien la crise de l'accueil que traverse notre continent. Pire encore, il valide la théorie infondée et abjecte du grand remplacement ; il laisse les pays du Sud seuls pour accueillir les exilés qui parviennent à leurs côtes, renforce l'Europe forteresse et méconnaît manifestement l'intérêt supérieur de l'enfant.
Cet ensemble de dix textes législatifs n'impose aucun mécanisme de solidarité entre les pays européens en matière de prise en charge des exilés arrivés sur le territoire européen. C'était pourtant l'objectif initialement affiché : la Commission européenne avait présenté le nouveau pacte comme une « solution » qui permettrait de résoudre la disparité des normes empêchant la mise en œuvre d'un régime d'asile européen commun dans les États membres.
Or, le pacte s'inscrit encore largement dans la logique de la procédure Dublin : le principe du premier pays d'entrée est maintenu et il n'y aura pas de relocalisation obligatoire des personnes secourues. Pourtant, la répartition proportionnelle des demandeurs d'asile dans toute l'Europe aurait pu constituer une solution humaine et durable. Au lieu de cela, les États membres qui ne sont pas situés aux frontières extérieures de l'Union peuvent éviter ce partage des responsabilités. Comment ? En contribuant matériellement, logistiquement, et financièrement à la dimension externe de la politique migratoire européenne ; en d'autres mots, en payant murs, caméras, grillages et autres barbelés aux États membres frontaliers.
Mais qui croit encore que, si nous érigeons des murs, les gens arrêteront de fuir leur pays ? Le tarissement des voies légales sûres ne fait qu'entraîner davantage de morts. En plus de ne rien résoudre à la crise de l'accueil, cela pénalise davantage les pays du sud de l'Europe et contribue ainsi à l'abandon des populations locales concernées – disons-le, c'est du pain bénit pour les nationalistes.
Le pacte renforce aussi l'Europe forteresse en généralisant l'approche « hotspot », c'est-à-dire, concrètement, la détention de facto aux frontières, sans aucune exemption pour les familles composées d'enfants, quel que soit leur âge, ni pour les enfants non accompagnés. Ces procédures de filtrage à la frontière auront pour conséquence d'augmenter le nombre de demandeurs d'asile qui, subissant une procédure frontalière, ne seront pas considérés comme se trouvant sur le territoire de l'Union européenne.
L'expérience l'a démontré dans les hotspots grecs : le confinement d'un grand nombre de personnes aux frontières entraîne des conditions de vie inhumaines – nous le savons. Selon les termes d'Étienne Balibar, « la gouvernance [des espaces frontières] s'apparente à un état d'exception permanent ». En effet, cela entraînera une diminution des garanties de protection et augmentera les risques de violation des droits humains et de refoulements aux frontières. Tout cela se fait au mépris du droit international, notamment l'article 6 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui garantit le droit à la liberté – droit qui n'est visiblement réservé qu'à quelques-uns.
Pire encore, ces refoulements seront opérés par l'agence Frontex, dont le rôle va être renforcé. Nous parlons ici d'une agence qui s'est rendue volontairement coupable de violations massives des droits humains en Méditerranée. Son ancien directeur, Fabrice Leggeri, est actuellement en troisième position sur la liste du Rassemblement national pour les élections européennes, mais il est également poursuivi pour complicité de crimes contre l'humanité et de torture.
Ce pacte, c'est aussi une nouvelle étape dans le processus de criminalisation des migrants. Il ouvre la voie à une utilisation accrue des technologies de surveillance à tous les stades des procédures d'immigration et d'asile. Toutes ces mesures répressives, notamment l'élargissement du système d'information Eurodac, se développent au mépris de l'intérêt supérieur de l'enfant. Le pacte impose désormais la collecte d'empreintes digitales et de données biométriques pour les personnes – les enfants – âgées de 6 ans au moins, et non plus 14 ans.
Le débat organisé aujourd'hui, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, vise uniquement à servir la campagne du Rassemblement national pour les élections européennes. La répression des migrants est le seul et unique projet que vous avez à offrir aux Français ; quant à moi, je veux dire aux Françaises et aux Français que notre pays est capable d'accueillir. Ceux qui expliquent que rien n'est possible et que tout est de la faute des étrangers ne croient pas en notre pays et en sa force d'inclusion. D'ailleurs, tous les chiffres contredisent vos obsessions.
Le gouvernement français, après l'abjecte loi « immigration », a largement participé à l'élaboration de ce pacte à l'échelle européenne. Ne nous faites pas croire que vous luttez contre l'extrême droite quand vous permettez à ses idées d'intégrer nos textes. Résoudre la crise de l'accueil est le seul chemin d'humanité et d'efficacité ; notre cohésion en dépend.