En 2015, alors que l'Europe connaissait un afflux de migrants sans précédent, notre continent péchait par manque de coordination. Nous n'avons pas su définir des lignes claires quant à l'accueil et au traitement des demandeurs d'asile, préférant gérer les crises au cas par cas, au gré de la volonté des uns et des autres. Aucune autre solution durable n'a alors été trouvée, sauf une tentative pour se dédouaner du problème en instaurant des quotas, ou encore par l'introduction de contributions financières à destination des pays où l'afflux humain était le plus important. L'Europe d'alors a traité ce drame par une gestion sans vision, sans horizon et sans humanité.
Mais l'Europe de 2015 n'est pas l'Europe de 2024 : beaucoup de choses ont changé. Comme le montre la redéfinition des accords de libre-échange visant à prendre en compte les impératifs sociaux et environnementaux, ainsi que la relance post-covid financée en commun, l'Europe de 2024 est plus ambitieuse, plus autonome et plus démocratique. Le 10 avril 2024, lors de l'adoption au Parlement européen de l'ensemble des actes du pacte sur la migration et l'asile, c'est une Europe nouvelle qui a triomphé.
Alors que nous débattons de l'impact de ce vote sur la France, je voudrais d'abord partager, au nom de mon groupe, une certaine incompréhension vis-à-vis des termes de ce débat, inscrit à l'ordre du jour par le Rassemblement national. À débattre de l'« impact » du pacte, on a l'impression qu'il s'agit là de la décision lointaine de quelques technocrates, qui s'impose à nous et que nous n'avons pas choisie. Mais, chers collègues, ces décisions ne tombent pas d'en haut et d'on ne sait où ! Ce pacte, nous l'avons voulu : il a été négocié au Conseil par l'ensemble des États membres, et il consacre une solidarité sans précédent, au niveau européen, sur les questions migratoires.
À ne parler que d'impact, on laisse aussi penser que la France n'aurait aucune marge de manœuvre ni d'action, et qu'elle ne ferait que subir une décision venue de Bruxelles. C'est une méconnaissance totale de ce qu'est le pacte sur la migration et l'asile, qui est avant tout une boîte à outils, mise à la disposition des États membres de l'Union européenne. Il appartiendra à la France et à ses partenaires de le mettre en pratique, de définir les voies et moyens de cette nouvelle solidarité. Nous pourrons choisir de proposer aux pays responsables du traitement des demandes d'asile ou subissant une pression migratoire soit une contribution financière, soit des relocalisations. Il appartiendra aussi à la France de définir sa participation au cadre de l'Union européenne pour la réinstallation. Après le temps des négociations vient le temps de la mise en œuvre ; la France y prendra toute sa part, et ce, de manière souveraine.
Ainsi, s'il faut en parler, je suis convaincu que l'impact de ces textes sera positif pour notre pays. Le pacte permet tout d'abord un meilleur traitement des demandes d'asile. Il permet aux différents pays européens de préciser entre eux la responsabilité de chacun dans le traitement des demandes d'asile, ajoutant au critère de première entrée des critères familiaux, de langue et de diplôme. L'instauration, dans des délais plus courts, d'un contrôle et d'un enregistrement des demandeurs d'asile, ainsi que d'un filtrage des étrangers en situation irrégulière aux frontières de l'Union, permettra d'alléger la pression migratoire dans l'ensemble des pays européens.
La France profitera également d'une meilleure solidarité européenne. Notre pays pourra contribuer à la solidarité introduite envers les pays subissant une pression migratoire, mais aussi en bénéficier. En cas de crise nous touchant directement, nous pourrons être soutenus par un mécanisme obligeant les autres États membres à nous venir en aide et comportant des mesures dérogatoires s'agissant des délais d'enregistrement.
Le pacte permet enfin de garantir que le traitement des demandeurs d'asile en France se fera dans le respect des droits humains fondamentaux. Il préserve ainsi l'équilibre, entre fermeté et humanisme, trouvé dans la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, adoptée par notre Parlement en décembre dernier.
Vous l'aurez compris, chers collègues, c'est bien plus sur la mise en œuvre de ces textes européens que sur leur impact que notre débat devrait s'orienter. En effet, le pacte sur l'asile et la migration n'existerait pas sans la volonté de la France et de ses partenaires,…