Plutôt que de tirer le bilan d'une stratégie de sécurité numérique qui consiste surtout à naviguer à vue, je préfère vous poser une question beaucoup plus simple, madame la ministre : dans l'espace numérique, qu'est-ce qui nous protège contre vous ? Avec la loi portant prétendument sur les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de 2024, vous avez légalisé la reconnaissance biométrique et son traitement par des algorithmes – une technologie interdite partout ailleurs en Europe, qui nécessite de collecter une quantité folle de données et implique de définir arbitrairement quels comportements humains seraient suspects. Cela va rendre la sécurité des Jeux complètement absurde.
Cette mesure est un cheval de Troie : non seulement le but avoué – en dehors de cet hémicycle – de ce qui est présenté comme une expérimentation est clairement la généralisation du système, mais en plus, comme il est prévu – justement à titre expérimental – que les données seront conservées par les entreprises, nous n'aurons plus aucune emprise ni sur leur usage, ni sur leur destination. Pourquoi êtes-vous d'aussi grands promoteurs des caméras de surveillance, de leur amélioration, de leur massification ? Elles n'ont que très rarement sauvé des personnes, mais elles servent à collecter massivement des données sur les populations pour mieux les contrôler. Avec un gouvernement honnête, ce ne serait peut-être pas un problème, mais les dégâts que feront de tels outils entre les mains d'un gouvernement fascistoïde nous glacent le sang.
La loi Sren prévoit elle aussi la collecte massive de données, ainsi que le contrôle d'identité visant à vérifier l'âge des internautes – une mesure inefficace qui ne vise là encore qu'à augmenter la masse numérique d'informations personnelles, dans toute leur précision et leur diversité. Malgré les bons sentiments que les entreprises et vous-mêmes affichez, ces données restent susceptibles de faire l'objet de cyberattaques, car il y aura toujours des brise-glace capables d'y accéder. Les hacks réguliers de nos services publics ou des banques le prouvent : augmenter la quantité de données en ligne, c'est augmenter les risques pour la sécurité de tous.
En démocratie, les citoyens ont droit à l'intimité et à une part d'anonymat ; seul l'État est contraint à la transparence. Votre logique est exactement inverse : un pouvoir toujours plus opaque, des citoyens observés sous toutes leurs coutures, une société de la suspicion où, par défaut, on est présumé délinquant. La première des sécurités, c'est notre liberté : votre manie du contrôle, en ligne comme dans l'espace public, nous met de plus en plus en danger. Alors, qu'est-ce qui nous protège de votre stratégie de sécurité numérique ?