Fondée pour permettre à l'État d'assurer la pérennité de la dissuasion française, la société Bull, rachetée par Atos, avait pour objectif le développement de supercalculateurs nécessaires au nucléaire civil et militaire, à divers autres programmes stratégiques de défense ainsi qu'à de nombreuses applications civiles. Cette filière nationale de fabrication et d'exploitation de supercalculateurs a notamment permis à la France de mener à bien sa politique nucléaire, en particulier depuis la fin des essais en 1996. Pour des raisons sur lesquelles nous ne nous étendrons pas, l'entreprise traverse aujourd'hui, après une séquence de forte expansion et de croissance externe, une période compliquée, tant en matière de gouvernance industrielle que de gouvernance financière. Sa valorisation boursière a été divisée par quarante en cinq ans et elle est à la fois en manque de capitaux et à la merci d'un rachat.
Qu'Atos soit vendue en groupe ou à la découpe, nous nous trouvons donc face à un vrai dilemme en matière de sécurité numérique. Comment résoudre ce problème de sécurité nationale ? À mon sens, seule une nationalisation partielle ou totale permettrait d'éviter de brader nos technologies de calculs et de simulations nucléaires.
Plus largement, depuis la stratégie nationale pour la sécurité du numérique déployée à l'initiative de Manuel Valls, plusieurs questions se posent avec acuité. Où sont les outils de veille qui sanctuarisent nos entreprises stratégiques ? Où sont les outils financiers souverains qui garantissent leur indépendance ? Comment se fait-il que l'État ait attendu le dernier moment pour s'occuper du dossier Atos ? Au-delà, quelles sont les autres entreprises d'excellence qui soutiennent nos besoins stratégiques et quels sont les moyens mobilisés pour s'assurer qu'elles restent dans le giron national ?
Quand la nécessité vitale de préserver notre souveraineté numérique se traduira-t-elle enfin par une politique digne de ce nom, dotée des moyens financiers adéquats et d'une vision à moyen et long terme qui fait malheureusement défaut au Gouvernement aujourd'hui ?