Monsieur Le Gendre, vous avez demandé ce que le projet de loi disait de notre société. Il me semble qu'il s'agit d'exprimer une solidarité de tous à l'égard d'un seul. La mort reste un événement privé, intime, mais les maisons d'accompagnement peuvent s'intéresser à la question du deuil.
Vous avez également demandé si les proches non soignants peuvent administrer la substance létale. Tout dépend du cadre général. En Suisse, le rôle des associations est incontournable. Elles rassemblent non seulement les proches, mais aussi des médecins. Pour ma part, je partage l'avis de M. Worms : il faut une implication de la médecine et du soignant jusqu'au bout.
La situation canadienne et ses conséquences « inflationnistes » ont également été mentionnées, avec l'accent mis sur une dérive qui conduirait à se débarrasser de la personne isolée. Cet acte porte un nom – l'assassinat – et la loi s'en occupe. Par ailleurs, l'élément opérationnel permettant d'actionner la loi et tous les principes qui la soutiennent porte à mes yeux sur la notion de droit des malades, en lien avec la loi de 2002 sur l'arrêt des traitements, laquelle constitue à mes yeux le véritable big bang législatif.
Ensuite, j'accolerais volontiers la notion de limite à celle de verrou, en particulier la limite que l'on donne à sa propre existence. Quand on donne des limites à son existence et qu'on les atteint, on les repousse encore un peu jusqu'au moment où la vie n'est plus supportable, où l'invivable déborde.
Depuis une vingtaine d'années, la société a particulièrement débattu de la notion de fin de vie et de la capacité des uns et des autres à nommer un certain nombre d'éléments. Mes travaux m'ont conduit à creuser ce que j'appelle une sociologie du sujet vulnérable, qui consiste à conserver aux plus faibles leur qualité de sujets et leurs droits de citoyens, notamment la capacité de s'exprimer sur leur propre mort.
En conclusion, les discussions de ce jour portent finalement sur une situation profondément humaine avant d'être sociale pour trouver – ce qui demeure difficile – un support légal à cette situation. Pour ceux qui ont fait ce choix, se rendre à l'étranger visait à mourir dans le cadre de la loi, et non clandestinement. Je pense à Paulette Guinchard-Kunstler. Quand, toute sa vie, on a exercé dans le cadre de la loi, on ne peut pas mourir en dehors.