Depuis l'édit de Villers-Cotterêts jusqu'à la loi dite Toubon de 1994, dont nous fêtons cette année les trente ans, par son utilisation dans les constitutions de nos régimes successifs, par nos écrivains et intellectuels, par son usage quotidien, populaire et courant, par son ouverture au monde, la langue française est l'illustration d'une créolisation réussie et circulaire.
Elle est issue, rappelons-le, de la fusion de trois langues – le celte, le latin et le germanique –, et se nourrit également des apports des langues vernaculaires parlées par nos ancêtres – grec, arabe, espagnol, italien, anglais, russe –, sans oublier ceux de nos langues locales et régionales.
Comme le disait le poète et conteur québécois Gilles Vigneault, « la francophonie, c'est un vaste pays, sans frontières […], celui de la langue française. […] C'est le pays invisible, spirituel, mental, moral qui est en chacun de nous ». N'oublions donc pas les vingt-neuf pays dont la langue française est la langue officielle ou co-officielle et les quatre-vingt-huit États membres de l'Organisation internationale de la francophonie.
Je pense notamment au pays francophone le plus peuplé du monde, la République démocratique du Congo, dont nous avons eu l'honneur d'accueillir le président cette semaine, Félix Tshisekedi, que je salue. Il demande le soutien de la France, mais aussi celui de l'Organisation internationale de la francophonie, pour faire face aux terribles milices qui ravagent l'est de son pays et devant lesquelles cette organisation reste bien silencieuse.
La langue française est le premier service public, la mémoire de notre histoire avec ses contradictions et ses espérances, le ciment de l'espace politique international francophone dans sa diversité, le bien culturel d'un riche horizon littéraire, musical, scientifique, philosophique et politique qui nous inscrit, Français et francophones, au patrimoine mondial de l'humanité.
Je souhaite également rappeler les mots écrits par Thomas Sankara : « La francophonie peut être un instrument de notre libération puisque c'est à travers la langue commune que nous accédons à tel ou tel domaine de la vie. » Le sport peut s'approprier cette aspiration éminemment politique. À cet égard, l'accueil des Jeux constitue une occasion en cette année si particulière, où la France organisera également, pour la première fois depuis plus de trente ans, le sommet de la francophonie.
Nous aurons d'ailleurs le plaisir, avec notre collègue Amélia Lakrafi, de présenter, le 22 mai, en commission des affaires étrangères, notre rapport sur l'avenir de la francophonie. Après les visites que nous avons effectuées et les nombreuses auditions que nous avons menées, je peux vous livrer mes premières conclusions : nous devons nous réjouir que la francophonie soit la championne de la diversité politique, linguistique et culturelle. Notre langue est l'outil d'une compréhension profonde et mutuelle des histoires et des traditions des pays francophones.
Par ailleurs, j'ai eu l'occasion de dénoncer le futur héritage social et environnemental des Jeux. À tout le moins, ils devront servir de vitrine à la richesse de la francophonie et permettre de célébrer la pluralité des cultures ayant en partage la langue française et ses différents usages – à cet égard, Aya Nakamura en sera une formidable ambassadrice. Votre proposition de résolution, chère Annie Genevard, peut y contribuer.
Cent vingt-quatre ans après les premiers Jeux organisés à Paris, ces Jeux sont l'occasion de réaffirmer la place de notre langue, encore trop souvent concurrencée par l'anglais dans le monde de l'olympisme et dans l'ensemble des organisations internationales – au sein de l'Union européenne en particulier où elle est pourtant une des langues officielles. Et à ceux qu'une telle idée pourrait faire sourire, tant le néolibéralisme et la marchandisation de nos « temps de cerveau » ont colonisé l'espace linguistique, culturel et politique, je rappelle que la langue française constitue un outil. Il permet non seulement, dans le cadre des JO, de faire société à l'heure où l'unité manque tant, mais aussi, au-delà, de réunir les femmes et les hommes qui, de par le monde, font œuvre commune au service du bien commun en utilisant cette langue.
Les exemples affligeants de la démission de nos élites au profit de l'anglais ne manquent pas, du slogan affiché sur la tour Eiffel lors de la candidature aux JO, à leur participation aux sommets annuels ou à l'organisation de campagnes d'affichage.
Ainsi, aux oiseaux de malheurs qui voudraient faire de notre belle et riche langue française un outil figé, avec des relents passéistes d'impérialisme, de paternalisme, de colonialisme et de domination – je suis certain que ce n'est pas votre cas, madame Genevard –, je souhaite rappeler les mots prophétiques du génie et géant de la littérature et de la politique, Victor Hugo : « La langue française n'est point fixée, et ne se fixera point. »
Loin de figer notre langue, ces Jeux sont l'occasion, parmi d'autres, de contribuer à faire de la francophonie un espace politique commun, de la langue française un bien immatériel universel et des peuples et des nations francophones – près de 321 millions de locuteurs – des partenaires naturels.
En outre, promouvoir notre langue, c'est promouvoir la diversité culturelle et linguistique, c'est soutenir l'accès à l'éducation, à la formation et à l'enseignement supérieur partout dans le monde, c'est veiller à la mobilité des étudiants et des enseignants, c'est renforcer notre aide au développement, en particulier envers les pays francophones, autant d'objectifs malheureusement mis à mal par les coupes budgétaires du Gouvernement.
Enfin, promouvoir notre langue, c'est chercher à atteindre l'objectif d'une civilisation de l'universel, défendue par Léopold Sédar Senghor, qui fut le père de la francophonie née dans le Sud et que nous devons défendre. Pour toutes ces raisons, j'appelle le groupe Écologistes – NUPES à voter la proposition de résolution.