Elle parle, et il est temps qu'elle nous entende. C'est une revenante des Amériques qui est venue donner des coups de pied dans la porte blindée : Judith Godrèche, après l'affaire Weinstein, après les mots d'Adèle Haenel, après toutes celles qui ont osé braver la bienséance et parler. Elle nous dit que le cinéma est fait de notre désir de vérité et de notre besoin d'humanité. Pouvons-nous regarder la réalité en face et la transformer ?
À chaque nouvelle vague #MeToo, nous engrangeons les témoignages : un océan de viols, d'agressions, d'humiliations. C'est une industrie. Ces actes de domination passent par la sexualité mais ils n'ont qu'un seul but : soumettre l'autre, le transformer en objet, le réduire à néant. Il est plus que temps de le comprendre : « Le viol est davantage une question de pouvoir que de sexe », comme l'écrit si justement Neige Sinno dans Triste tigre.
Le monde du cinéma est un univers de pouvoir. On y brasse beaucoup d'argent et on y gagne beaucoup de prestige. Mais la gloire côtoie la précarité. C'est un territoire parfait pour la possession et l'emprise. Pour elles, intermittentes, jeunes, avec la peur de perdre leur travail et d'être blacklistées dans un univers replié sur lui-même, c'est le secret, le déni, la chape de plomb. Pour d'autres, les « génies créateurs », les « fabricants de muses », les « révélateurs de talents », c'est l'artifice de la scène, le grand jeu qui donne toutes les permissions, avec les spectateurs pour juges. Sordide.
Il est plus que temps d'agir. D'abord pour remettre les choses à l'endroit : que la victime qui parle ne soit pas mise au ban mais protégée, soutenue ; que le prédateur qui agresse ne soit pas protégé mais éloigné, neutralisé. Cette commission d'enquête sur les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma marque un premier pas essentiel.