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Intervention de Angélique Ranc

Séance en hémicycle du jeudi 2 mai 2024 à 9h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAngélique Ranc :

Le 14 mars, la délégation aux droits des enfants, dont je suis membre, auditionnait l'actrice Judith Godrèche, qui a porté plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour viols sur mineure – elle avait 14 ans au moment des faits. Judith Godrèche, comme beaucoup d'autres, a été directement victime de la « familia grande » du cinéma, qui s'est protégée et continue de se protéger.

Au vu des réalisateurs qu'elle a dénoncés, elle a probablement vécu la pire époque : celle du libertarisme post-soixante-huitard, qui ne souffrait aucune barrière ni interdit, qui pétitionnait dans les années 1970 en une de Libération pour défendre les pédophiles poursuivis par la justice, ou en 1977 dans Le Monde pour défendre les relations sexuelles entre adultes et enfants.

C'est après les propos tenus par Benoît Jacquot dans un documentaire très complaisant réalisé par Gérard Miller – lui-même mis en cause par plus de cinquante femmes pour violences sexuelles – que Judith Godrèche a décidé de prendre la parole. Le cinéma devra-t-il déboulonner ses propres films cultes, ses propres monuments, ses propres héros, ses psys fétiches ?

Judith Godrèche nous a clairement alertés sur les risques toujours encourus par les mineurs au sein de l'industrie du cinéma. Que ce soit dans le cadre des castings ou des tournages, aucune protection ni garde-fou n'existe pour protéger les enfants ou les mineurs, qui peuvent être le jouet d'un véritable système de prédation.

J'ai d'ailleurs une pensée pour la comédienne et réalisatrice Isild Le Besco, qui a récemment annoncé ne pas encore être prête à porter plainte contre les hommes qui l'on violentée physiquement ou psychologiquement il y a plus de vingt ans. Elle nous adresse ainsi un message fort en indiquant ne pas vouloir se confronter à des institutions poussiéreuses, pensées et régies par des hommes. Il y va de notre devoir de changer la vision des victimes, afin qu'elles puissent se sentir écoutées, entendues, entourées, comprises et que justice leur soit rendue. Le travail est encore long, mais nous espérons que cette commission d'enquête sera révélatrice du changement de la société et de sa considération à leur égard.

La protection des enfants qui évoluent dans le milieu artistique contre les violences physiques, psychologiques ou psychiques, ne peut pas et ne doit pas échapper à la loi. Il en va de même des personnes majeures, et c'est une bonne chose que la commission d'enquête ait été élargie : on ne vit pas mieux une agression à 18 ans qu'à 16 ans.

Cependant, au vu de l'élargissement du périmètre de cette commission aux secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité, il conviendra de prêter attention à bien encadrer sa mise en œuvre, afin qu'elle ne reste pas un vœu pieux.

Enfin, nous regrettons profondément d'avoir été écartés de la cosignature de la proposition de résolution, d'une manière – il faut le dire – particulièrement minable, alors que nous avions auditionné ensemble Judith Godrèche au sein de la délégation aux droits des enfants. Ce refus d'associer le premier groupe d'opposition de l'Assemblée, alors même que notre collègue Caroline Parmentier avait déposé une proposition de résolution similaire ouverte à la cosignature de l'ensemble des députés, n'est pas à la hauteur du sujet qui nous occupe. Ce n'est pas là le comportement que les victimes attendent du Parlement.

Dans tous les cas, le groupe Rassemblement national prendra toute sa part lors des auditions et ne fera preuve d'aucune complaisance. Nous espérons vivement pouvoir travailler main dans la main avec chaque député, ne serait-ce que par respect pour les victimes auxquelles ma pensée va aujourd'hui.

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