« Au métier qu'il connaît, que chacun se consacre », disait Cicéron. Tel est l'objet de la proposition de loi défendue par notre cher collègue Jean Terlier, dont je salue l'exceptionnelle qualité du travail.
Les juristes d'entreprise et leurs représentants, que nous avons pu auditionner, ont tous exprimé la même préoccupation : ils veulent pouvoir pratiquer efficacement leur métier et préserver la manière de l'exercer. L'importance des juristes d'entreprise est, plus que jamais, indéniable. Alors que de plus en plus d'entreprises françaises doivent répondre à des exigences de conformité dans de nombreux domaines, comme la gouvernance, la protection des données, la responsabilité sociétale des entreprises et la lutte contre le blanchiment de capitaux, la France, contrairement à la quasi-totalité des pays membres de l'OCDE, ne prévoit pas la confidentialité des avis des juristes d'entreprise. Elle fait ainsi figure d'exception.
L'article 1
L'article 2, introduit en commission des lois, prévoit une disposition transitoire permettant aux juristes d'entreprise comptant au moins huit années de pratique professionnelle de bénéficier du régime de confidentialité.
Enfin, l'article 3 tend à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant les évolutions du métier de juriste d'entreprise et les conséquences de la confidentialité des avis juridiques, dans un délai de trois ans à compter de la promulgation du texte.
Je tiens donc à rassurer mes collègues qui pourraient s'en inquiéter : non, la proposition de loi ne permettra pas de créer une nouvelle profession du droit réglementée, ni de créer un statut d'avocat en entreprise ; et non, la confidentialité ne constitue pas un nouveau secret professionnel attaché à la personne du juriste d'entreprise.
La reconnaissance du caractère confidentiel des consultations des juristes d'entreprise entend répondre à trois objectifs majeurs.
D'abord, ce dispositif permettra de renforcer la filière des juristes d'entreprise et l'attractivité de la France. En effet, en l'absence de confidentialité en France, de nombreuses directions juridiques choisissent de s'établir en dehors de nos frontières ou de se tourner vers des juristes étrangers, bien souvent anglo-saxons.
Ensuite, ce dispositif nous protégera de l'application extraterritoriale, par certaines autorités étrangères – notamment américaines – de leur droit national. À cet égard, Raphaël Gauvain estimait, en 2019, que « cette lacune fragilise nos entreprises et contribue à faire de la France une cible de choix et un terrain de chasse privilégié pour les autorités judiciaires étrangères » – un aspect que cette proposition de loi entend corriger.
Enfin, l'émergence de la culture de la conformité et la multiplication des règles auxquelles les entreprises doivent se conformer ont fait évoluer leur cadre juridique, engendrant, pour le juriste d'entreprise, un risque d'auto-incrimination de sa propre entreprise que le texte vient amoindrir.
En définitive, ce texte propose une nécessaire évolution de notre droit afin non seulement de faciliter les conditions de travail de nos juristes d'entreprise, mais également de protéger leur exercice face à la concurrence internationale. Le groupe Renaissance défendra un amendement visant à assurer la prise en charge de la formation par l'entreprise et votera naturellement en faveur de la proposition de loi. N'ayons pas peur, faisons avancer le droit !