Le Haut Conseil de stabilité financière a été créé en 2013 pour assurer la surveillance macroprudentielle du système financier. Derrière ce vocabulaire un tantinet abscons, il lui revient notamment – ce qui est tout de suite plus aisé à comprendre – de fixer les conditions d'octroi des crédits afin de limiter le surendettement des ménages.
Les règles retenues par le HCSF sont assez simples : le taux d'endettement individuel ne doit pas dépasser 35 % des revenus des ménages emprunteurs – c'est le fameux taux d'effort – et la durée de l'emprunt ne doit pas excéder vingt-cinq ans, les banques ayant néanmoins la possibilité de déroger à ces deux règles, sous certaines conditions, pour 20 % des prêts immobiliers accordés.
La hausse des taux d'intérêt, celle de l'apport personnel moyen et le maintien des prix de l'immobilier à un niveau élevé n'aident pas à réduire l'ampleur de la crise du logement qui sévit en France. Si l'on ajoute à ces trois facteurs que la production de crédits immobiliers a été presque divisée par deux entre 2021 et 2023 – seuls 780 000 crédits immobiliers ont été accordés l'an dernier –, le moins que l'on puisse dire est que le marché du crédit immobilier n'est pas au beau fixe. Or, nous le savons bien, la crise immobilière est liée en grande partie aux difficultés d'accès à l'emprunt.
Quel était l'objectif de cette proposition de loi ? Je passe rapidement sur son article 1er , qui vise à modifier la composition du HCSF en y adjoignant deux parlementaires. Cela permettra au Parlement d'exercer un droit de regard sur les décisions qui y sont prises. Pourquoi pas, à condition que l'instance dirigeante du HCSF ne se transforme pas en tribune politique ! Dans ce cas, la prise de décision serait plus complexe encore, alors que nous avons besoin, avant tout, d'efficacité.
Avant son examen en commission, l'article 2 posait davantage de problèmes, puisqu'il offrait la possibilité aux établissements bancaires de déroger systématiquement aux deux règles – les 35 % et les vingt-cinq ans – fixées par le Haut Conseil en matière d'octroi de crédit. Il s'agit pourtant de deux critères de bon sens qui tendent à éviter, je l'ai dit, le surendettement des ménages. Cependant, ils ne sont pas suffisants à eux seuls, car ils font fi des facteurs humains.
C'est là que la possibilité de dérogation, dans 20 % des cas, par les établissements bancaires entre en jeu. Qui, mieux que le banquier qui examine un dossier – lorsqu'il le fait consciencieusement, bien entendu –, est à même de juger du sérieux d'un ménage emprunteur ? Les critères sont simples : il s'agit, entre autres, du train de vie, de l'argent mis de côté ou non au fil des ans, des éventuels découverts bancaires du ménage, bref tout ce que les banques nomment le sérieux de l'emprunteur. Ce sont les agences locales – encore une fois un facteur humain – qui permettent d'évaluer ce sérieux.
En réalité, la flexibilité prévue – 20 % des dossiers peuvent déroger aux critères du HCSF – n'est utilisée qu'en partie, à hauteur de 15 % selon le gouverneur de la Banque de France, M. François Villeroy de Galhau. Or quel rapport y a-t-il entre un ménage qui gagne 3 000 ou 4 000 euros par mois et s'endette à hauteur de 35 % de ses revenus et un autre qui gagne plus de 10 000 euros mensuels et doit lui aussi respecter la règle des 35 % ? Le reste à vivre des deux foyers n'est évidemment pas le même.
Ce constat effectué, pourquoi aurions-nous besoin de revenir sur des critères fixes alors qu'il n'est pas pleinement fait usage des possibilités d'y déroger ? La balle est donc bel et bien dans le camp des banquiers. Plus exactement, il serait souhaitable de prévoir un assouplissement de la marge de flexibilité accordée aux banques, dont les critères d'utilisation ne semblent pas toujours très simples à gérer.
Plus globalement, il nous faudrait répondre à une question que nous n'abordons pas ce soir : quelle France voulons-nous construire ? Une France de propriétaires, qui offrirait un peu de sérénité et de sécurité aux Français – sans compter la possibilité de transmettre leur patrimoine ? Ou une France de locataires, dont la précarité s'accentue, malheureusement, notamment au moment de leur retraite, lorsque leurs revenus diminuent drastiquement tandis que la part du loyer dans leurs dépenses grimpe en flèche ? Selon l'Insee, la proportion de locataires en France progresse et s'établit à un taux largement supérieur à la moyenne des pays de l'Union européenne. Il est donc temps de réagir, pour nos enfants, mais aussi pour la sécurité de nos parents.