Ce texte, dans sa version d'origine, m'inquiétait dans la mesure où il participait de la dérégulation des normes – sauf celles qui sont utiles pour renforcer la logique du marché et ses acteurs. Il semblait suggérer que, si la population n'arrive plus à se loger, il faut laisser les banques libres de surendetter nos concitoyens. Il semblait également réserver au Haut Conseil de stabilité financière un rôle affaibli.
Je pense au contraire qu'il faut intervenir pour lutter contre l'inefficience du marché et protéger la population contre ses effets pernicieux. Quand il existe des structures comme le Haut Conseil de stabilité financière, il faut les renforcer et non les dépouiller. Je vous rappelle que cette instance a été créée en 2013 pour remédier aux effets de la libéralisation excessive de notre économie et de la dérégulation de la finance, qui ont conduit à la crise de 2008. Quel message enverrions-nous à l'affaiblir ?
J'ai bien compris, monsieur le rapporteur, que vous vous préoccupiez avant tout de la crise du logement, mais je ne crois pas qu'on puisse la régler en supprimant des normes relatives aux emprunts, en permettant à nos concitoyens d'emprunter à plus long terme et de se surendetter davantage. Je le crois d'autant moins que les banques ont, par rapport aux offres de crédit, des droits de dérogation dont les plafonds, comme vous le savez, sont très loin d'être atteints. S'il y a quelque chose à modifier, c'est la nécessité, pour l'emprunteur, d'avoir un apport personnel considérable, qui opère une sélection sociale sans signification véritable par rapport au crédit. Quant à la suppression des normes, elle encouragerait surtout le surendettement, avec des conséquences économiques et sociales désastreuses. Elle aurait également un effet négatif sur les prix, qui représentent aujourd'hui le problème principal en matière de logements. Ceux-ci sont trop chers ; pourtant, en 2023, seuls quelque 300 000 ont été mis en chantier, soit 71 800 de moins que l'année précédente. Il faut remonter au début des années 1990 pour observer de tels chiffres. Par ailleurs, cela fait une trentaine d'années qu'on n'avait pas eu un bilan aussi catastrophique en matière de construction et de livraison de logements sociaux, ce qui, bien sûr, a un effet sur les prix.
Le texte a heureusement évolué en commission, mais il comporte toujours un recul que je regrette : il est désormais proposé que le Haut Conseil fixe les règles de l'endettement pour trois mois seulement. Cela veut dire qu'à chaque réunion, les règles devront être rediscutées pour être éventuellement renouvelées. Cette nouvelle rédaction risque de paralyser le HCSF : discuter de ces règles à chaque réunion, c'est autant de temps perdu pour les échanges sur les autres leviers à sa disposition pour stabiliser notre système financier. Au-delà de ce risque, cette nouvelle mesure se révèle inutile. Ce rythme, bien trop régulier, ne colle pas avec la conjoncture économique ou la variation du risque systémique qui pèse sur notre économie. Le projet risque donc d'emboliser une instance régulatrice pour rien. En matière d'optimisation des moyens, j'ai déjà vu mieux !
Malgré cette disposition qui m'inquiète, vous l'aurez compris, j'admets que le texte représente une avancée dans la mesure où il prévoit que deux parlementaires rejoignent le HCSF. Je vois d'un bon œil que des représentants élus par le peuple diversifient la composition d'une instance indépendante qui prend des décisions politiques. Cependant, pour assurer le pluralisme, puisque des représentants choisis par l'exécutif siègent déjà en son sein, il serait préférable que ces deux parlementaires soient issus des rangs de l'opposition. Pour s'en assurer, leur désignation devrait revenir au président ou à la présidente de la commission des finances de l'Assemblée et du Sénat.