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Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du lundi 29 avril 2024 à 15h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Une semaine après avoir commémoré le génocide arménien, commis il y a 109 ans, nous étudions une proposition de résolution nous invitant à la reconnaissance d'un génocide qui s'y rattache mais qui a sombré dans l'oubli depuis 1925. Longtemps ignorées, ces persécutions furent perpétrées par l'Empire ottoman dès 1915 sur l'ensemble du territoire turco-persan. Cette année-là, plus de 250 000 Assyro-Chaldéo-Syriaques furent massacrés en raison de leur appartenance religieuse. En 1918, les deux tiers de cette communauté avaient disparu.

À l'époque, la France s'était montrée solidaire des Assyro-Chaldéens et des Arméniens et avait protesté énergiquement contre les persécutions et les massacres. Pourtant, les promesses faites aux rescapés de ce génocide furent très vite oubliées. Au lendemain de la guerre, dans la nouvelle carte du Proche-Orient dessinée en 1923 par le traité de Lausanne, il ne fut plus question d'une zone autonome kurde, ni d'un foyer arménien en Anatolie, pas plus que de la protection des Assyro-Chaldéens. Avec l'abandon de leurs promesses par la France et l'Empire britannique vint l'oubli du génocide.

Nous nous réjouissons de pouvoir réparer cet oubli, même s'il est bien tard pour le faire. Ce génocide a été officiellement reconnu par le parlement suédois il y a un peu plus de quinze ans. En 2016, à la suite de la présentation d'une proposition de loi par nos camarades allemands du groupe Die Linke, le Bundestag a adopté une résolution reconnaissant le génocide arménien et associant les Assyro-Chaldéens à cette reconnaissance.

Déjà, en 2007, l'Association internationale des spécialistes des génocides avait adopté, à une écrasante majorité, une résolution reconnaissant officiellement le génocide des Assyro-Chaldéens. La France a reconnu le génocide arménien il y a plus de vingt ans, en 2001. Elle s'honorerait en reconnaissant le génocide de ces peuples trop souvent oubliés, issus du berceau mésopotamien, qui ont forgé l'identité si riche de cette région.

La France n'est jamais autant le France que lorsqu'elle est fidèle à sa vocation universelle de défense des droits de l'homme, du droit des personnes à leur histoire et du droit des peuples à la justice. Elle n'est jamais autant elle-même que lorsqu'elle se souvient de sa triste période coloniale et des rêves des peuples qu'elle a brisés.

Or la France et l'Empire britannique ont brisé les rêves des Assyro-Chaldéens en revenant sur les promesses, formulées à la fin de la première guerre mondiale, de leur donner une autonomie régionale. Dicté par les intérêts supérieurs de la politique impériale, le découpage issu du traité de Lausanne, en 1923, a amorcé les conditions du chaos tragique que connaît actuellement la région. Celle-ci a été le théâtre de conflits permanents dans lesquels les puissances occidentales ont porté de lourdes responsabilités ; c'est encore le cas aujourd'hui.

Le devoir de mémoire n'a de sens que s'il nous incite à reconsidérer les périodes de notre histoire durant lesquelles nous avons piétiné les droits de l'homme et le droit des peuples. Il n'est utile que s'il nous pousse à agir pour la paix et l'émancipation des peuples. Aujourd'hui, cela signifie notamment agir de toute urgence en faveur d'un cessez-le-feu immédiat en Palestine, afin de stopper la folie meurtrière du gouvernement d'extrême droite israélien, et œuvrer sans relâche pour une solution à deux États.

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