Notre assemblée est invitée à se prononcer sur une question dont la portée historique et mémorielle est considérable : la reconnaissance du génocide des Assyro-Chaldéens entre 1915 et 1918. Ce débat, empreint d'une gravité exceptionnelle, nous convie à une réflexion sur le rôle du Parlement en tant que dépositaire de la mémoire collective, tissée de vérités historiques souvent douloureuses.
À la veille de la première guerre mondiale et durant celle-ci, l'Empire ottoman était un foyer de tensions et de tragédies, en particulier pour ses minorités chrétiennes. Au tournant du XX
Ces minorités ont été victimes de massacres systématiques, orchestrés, qui se sont intensifiés lorsque l'empire est entré en guerre. Ces massacres faisaient partie d'une stratégie délibérée d'élimination et de déplacement forcé. Entre 1 million et 1,5 million de personnes ont perdu la vie et des centaines de milliers ont été déplacées. Ce sont là des faits historiques, étayés par un corpus substantiel de recherches et de documentation.
L'horreur de ces événements tient non seulement à leur brutalité, mais aussi à leur intentionnalité. Les autorités de l'époque, animées par une vision exclusiviste de la nation, ont poursuivi une politique d'éradication culturelle, religieuse et physique. Il est de notre responsabilité de reconnaître ces souffrances, de comprendre leurs causes profondes et d'en tirer les enseignements nécessaires.
La proposition de résolution qui nous est soumise soulève indéniablement des questions majeures, sur le plan tant historique que diplomatique. Elle nous interpelle sur notre capacité à honorer la mémoire de ceux qui ont été effacés de l'histoire officielle, tout en mesurant les conséquences de nos décisions dans le concert des nations. À cet égard, je souhaite rappeler l'importance de la précision historique dans le cadre de l'exercice de notre mandat parlementaire.
En vertu de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui sert de référence juridique internationale pour la définition du génocide, un acte est qualifié de génocide s'il est prouvé qu'il a été « commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». Cette définition édicte un critère d'intentionnalité spécifique et préméditée, qui doit être clairement établie par des preuves concrètes.
S'il ne fait aucun doute que, sous l'Empire ottoman, les populations chrétiennes – auxquelles appartenaient les Assyro-Chaldéens – ont subi une tragédie, il serait nécessaire, pour qualifier ces massacres de génocide distinct, de réunir un ensemble de preuves et de trouver un consensus historique. Or tel n'est pas encore le cas. En effet, les discussions entre universitaires révèlent des divergences quant au fait de considérer les événements concernant spécifiquement les Assyro-Chaldéens comme un génocide séparé du contexte plus large des massacres de l'Empire ottoman pendant la première guerre mondiale. Les historiens continuent de débattre de l'étendue et de la nature de ces événements. Il est crucial que notre vote reflète une compréhension approfondie et consensuelle de l'histoire. En notre qualité de législateur, notre responsabilité est de soutenir des décisions éclairées par la recherche historique la plus rigoureuse.
En 2001, notre pays a franchi une étape historique en adoptant la loi relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, perpétré par l'Empire ottoman. Cette loi constitue déjà un cadre solide pour conserver la mémoire historique des tragédies ayant affecté les minorités vivant dans cet empire durant la première guerre mondiale. Il aurait été plus judicieux de l'amender pour traiter la question des Assyro-Chaldéens.
Malgré ces réserves, le groupe Écologiste – NUPES soutiendra la proposition de résolution, afin de reconnaître la profondeur de la souffrance subie par les Assyro-Chaldéens et par d'autres minorités. Nous invitons néanmoins à poursuivre le dialogue, à approfondir la recherche historique et à réaliser une évaluation soignée des conséquences de nos décisions.
Nous devons agir avec prudence et responsabilité, en veillant à ce que notre action législative soit à la fois juste et efficace, et fasse l'objet d'un consensus tant académique que politique. C'est ainsi que nous honorerons véritablement la mémoire des victimes et contribuerons à la construction d'un monde où les horreurs du passé ne se répéteront pas.