Intervention de Alexandre Sabatou

Séance en hémicycle du lundi 29 avril 2024 à 15h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Sabatou :

« L'oubli est le vrai linceul des morts », selon George Sand. La résolution soumise à notre examen est au service de la mémoire des défunts et, surtout, de la survie de ceux qui restent.

Sur les 500 000 chrétiens Assyro-Chaldéens qui vivaient à l'époque en Mésopotamie, 250 000 furent massacrés ou déportés par les troupes ottomanes entre 1915 et 1918. Dans l'ouest de la Turquie, le Hakkari ou le Tur Abdin, mais également dans la région perse du lac d'Ourmia, ce peuple, dont la trace se retrouve déjà dans la cité de Babylone, fut éradiqué.

Depuis que le monde existe, des milliers de massacres ont eu lieu sur Terre. C'est toutefois au sujet des Chrétiens du Levant que Raphael Lemkin – l'inventeur du terme de génocide – nota pour la première fois la différence essentielle entre massacrer des hommes pour ce qu'ils sont et les massacrer pour ce qu'ils font. Quel terrible privilège d'être le peuple pour lequel le mot de génocide a été inventé ! Tel est le fardeau des Assyro-Chaldéens.

Notre responsabilité est de se rappeler qu'au Levant, il y eut des chrétiens, nombreux et prospères, et que ces chrétiens, de la Turquie à l'Irak en passant par la Syrie, plient sous le joug d'un islam conquérant.

Qui se souvient de Ninive ? Il n'y reste plus un seul juste, maintenant que les chrétiens y sont morts, ont fui ou ont été convertis de force. Ce ne sont pas des événements décrits dans la Bible que j'évoque, mais ceux survenus en 14 – en 2014, il y a dix ans donc –, à la suite de la prise de Mossoul par le groupe État islamique.

Nos contemporains sacralisent l'existence et la survie des peuples dits premiers, mais pourquoi ne considèrent-ils pas de la même manière celles des Chrétiens d'Orient ? Certainement car cette sacralisation, très occidentale il est vrai, se heurte, dans la région, à l'hégémonie d'États où la religion tient lieu de code civil et dont la communauté nationale n'est pas celle des citoyens, mais celle des croyants.

Je ne suis pas naïf : il est toujours facile, depuis cette tribune, de déclamer, de se livrer à des envolées lyriques et de se payer de mots. Je sais aussi, comme le général de Gaulle, qu'il faut se garder d'analyser l'Orient compliqué avec des idées simples.

Le vœu que les Chrétiens d'Orient jouissent du droit à une existence paisible a peu de chances d'être entendu dans le concert des nations, mais la France, depuis longtemps protectrice de ces peuples, ne fait pas que parler. Depuis plus de 700 ans – dès le règne de Saint Louis, puis sous François Ier ou Napoléon III et plus récemment dans le cadre du mandat confié à la France par la Société des Nations suite au traité de Sèvres –, la diplomatie française suit un fil conducteur : protéger les chrétiens de cette partie du monde.

Bien qu'il perde au fil des années son rôle d'acteur historique majeur dans la région, notre pays continue de s'interposer et de combattre au Liban – de façon permanente –, en Irak et ailleurs, pour tenter de maintenir des lambeaux de paix, grâce à l'action non seulement de ses diplomates et de ses militaires, mais aussi des Français engagés dans des opérations humanitaires.

J'ai une pensée particulière pour les Chrétiens d'Orient, désormais privés de terre. Nombre de ceux qui ont survécu et ont pu fuir ont trouvé refuge en France, plus particulièrement dans le Val-d'Oise et dans l'Oise. Ils sont les héritiers de toutes les vagues de réfugiés chrétiens qui fuient les persécutions depuis une centaine d'années.

Lors de mes nombreux échanges avec eux, ils m'ont alerté sur le fait que des jeunes filles étaient tenues de se vêtir selon des codes qui ne sont pas ceux de notre pays ; que, dans certaines classes, les professeurs ne pouvaient plus enseigner librement certaines matières du programme scolaire ; que l'entrisme islamiste s'insinuait dans nos cantines, dans nos clubs sportifs, mais également dans nos universités.

Ils constatent, avec une acuité bien supérieure à la nôtre, ce mouvement qu'ils savent mortel, tous ces faits d'apparence anodine qui mettent en danger notre mode de vie commun. Comment leur donner tort quand nous entendons ces jours-ci, du côté de Sciences Po, des activistes qui appellent à soutenir un mouvement terroriste islamiste…

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