Le 4 mars 2024, la France devenait le premier pays au monde à inscrire l'avortement dans la Constitution. Après ce vote historique, la France insoumise s'est engagée, par la voix de Mathilde Panot, à poursuivre le combat pour les droits des femmes en demandant à inscrire le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Ailbhe Smyth, militante irlandaise, qui a mené une campagne victorieuse pour abroger l'article de la Constitution de son pays qui interdisait l'avortement, a dit qu'elle rêvait d'un jour où « il ne sera plus nécessaire d'inscrire le droit à l'avortement, ni dans une Constitution, ni dans la loi ». Nous sommes nombreux en Europe à formuler le même vœu qu'elle.
Malheureusement depuis plusieurs années, la réalité nous rattrape dans plusieurs États de l'Union européenne. Des législations très restrictives subsistent, voire prolifèrent, souvent du fait de l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir. Malte a autorisé l'IVG en juin 2023, uniquement en cas de danger mortel pour la personne enceinte et de non-viabilité du fœtus. La loi hongroise oblige depuis 2022 les femmes souhaitant avorter à écouter les bâtiments de cœur du fœtus. En Pologne, l'IVG n'est autorisée qu'en cas de viol, d'inceste, ou de danger mortel pour la mère. La loi interdit l'aide à l'avortement. Ma collègue Mathilde Panot avait reçu au sein de notre Assemblée, la première militante condamnée à ce titre, dont je salue le courage et l'abnégation dans sa lutte pour la vie des femmes polonaises.
Nous constatons partout que si tous les conservateurs ne modifient pas la loi, ils s'arrangent pour compliquer l'accès à l'IVG aux femmes. En Italie, 70 % des médecins sont objecteurs de conscience. En Slovaquie, onze propositions de loi pour restreindre le droit à l'IVG ont été déposées au Parlement sous l'influence de groupes religieux conservateurs. En Espagne, en 2013 et 2014, des projets de loi prévoyant de restreindre l'accès à l'avortement et d'interdire l'avortement aux mineurs sans autorisation parentale avaient été approuvés en Conseil des Ministres, ou adoptés par le Sénat. Ils ont heureusement été contrés par le gouvernement suivant. Depuis 2015 au Portugal, les femmes doivent passer un examen psychologique avant d'avorter, et l'ensemble des frais est à leur charge. En Croatie, une étude de 2019 a montré que 59 % des médecins refusaient de pratiquer des IVG sous l'influence croissante des conservateurs religieux.
On connaît désormais bien la citation de Simone de Beauvoir : « n'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne seront jamais acquis, vous devrez rester vigilantes votre vie durant ». C'est grâce aux mobilisations des associations féministes, et au travail parlementaire que nous avons mené que nous avons réussi à faire inscrire l'avortement dans la Constitution française.
En attendant que le vœu d'Ailbhe Smyth se réalise, la France doit jouer son rôle d'éclaireuse humaniste, et utiliser sa diplomatie pour que le droit d'interrompre sa grossesse soit inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.