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Intervention de Mathilde Panot

Réunion du mercredi 10 avril 2024 à 15h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot, rapporteure :

Chers Collègues, cette proposition de résolution européenne visant à garantir le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, est dédiée à Izabela, une femme polonaise morte en septembre 2021 à la suite d'un choc septique après le refus des médecins de pratiquer un avortement qui aurait pu lui éviter cette infection et donc la mort. Elle avait 30 ans, une fille de 9 ans, et avait tenté trois fois d'avoir un second enfant. On lui a refusé l'avortement, alors qu'il y avait un problème au milieu de sa grossesse et que sa vie était en danger.

Cette proposition de résolution européenne, nous la dédions à Agnieszka, femme polonaise morte en janvier 2022, contrainte d'attendre l'arrêt des battements du cœur du second fœtus qu'elle portait avant de pouvoir obtenir un avortement.

Nous la dédions aussi à Savita, femme indienne morte en Irlande en 2012 après une fausse couche, à la suite du refus des médecins de pratiquer un avortement.

Enfin, cette proposition de résolution européenne, nous la dédions à toutes ces femmes, en Europe et ailleurs, dont les noms sont restés anonymes, mortes dans des conditions inhumaines faute d'avoir pu accéder à un avortement sûr et légal.

Le lundi 4 mars 2024, la France a acté un tournant historique décisif pour les droits des femmes en inscrivant dans sa Constitution la liberté garantie aux femmes d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Ce droit a été obtenu de haute lutte en France, grâce au long et courageux combat de militantes féministes. C'est un message d'espoir pour toutes les femmes qui vivent encore dans des États interdisant ou ne protégeant pas l'avortement

En effet, cette consécration constitutionnelle en France ne doit pas nous faire oublier que dans de nombreux pays du monde, les femmes sont toujours contraintes d'avorter clandestinement au péril de leur vie. Selon le Centre pour les droits reproductifs, 41 % des femmes dans le monde vivent dans des pays où la législation sur l'avortement est restrictive. En Europe, vingt millions de femmes n'ont pas un accès effectif à l'avortement. Selon l'Organisation mondiale de la santé, entre 39 000 et 47 000 femmes décèdent chaque année des suites d'un avortement non médicalisé, soit une toutes les neuf minutes.

C'est pourquoi l'avancée historique que constitue l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution nous engage. Fidèle à sa vision universaliste des droits humains, la France doit désormais aider à garantir ce droit à des millions de femmes en Europe. Ainsi, cette victoire doit être prolongée par l'inscription de ce droit dans la Charte des droits fondamentaux, pour que les droits des femmes partout en Europe soient respectés et garantis.

Bien que 25 des 27 États membres de l'Union européenne reconnaissent le droit à l'avortement, il existe en pratique de très fortes disparités dans l'accès à l'avortement. Plus inquiétant encore, les régressions constatées dans la protection de ce droit dans certains États membres. Même dans les pays dans lesquels il est reconnu depuis plus de 50 ans, il a pu être restreint à la faveur de l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite, comme en Pologne ou en Hongrie. Ce fut aussi le cas au Portugal, où, alors que l'avortement était gratuit depuis 2007, le pays a mis fin aux remboursements des soins liés à l'avortement en 2021. En Italie également, il demeure extrêmement difficile d'avoir accès en pratique à l'avortement en raison de la très forte proportion de médecins qui invoquent leur clause de conscience. Le gouvernement de Giorgia Meloni, sans attaquer frontalement ce droit, multiplie les initiatives pernicieuses qui visent à dissuader les femmes qui souhaitent avorter. L'objectif est bien, in fine, d'interdire l'avortement.

Ces multiples revirements de législation démontrent que les droits des femmes sont remis en cause au gré des alternances politiques et manquent d'une véritable protection juridique. Les mouvements féministes alertent pourtant de longue date sur l'activisme des réseaux anti-choix qui cherchent à restreindre et à faire interdire l'accès à l'avortement, qui sont très largement financés. L'inscription de ce droit dans la Charte transmettra un message ferme à ces réseaux anti-choix : nous ne céderons pas, nous ne reculerons pas.

La France doit peser de tout son poids pour que l'Union européenne en fasse de même. Il est indispensable d'ouvrir ce droit à toutes les femmes en Europe. Ces régressions des droits des femmes au sein de l'Union européenne démontrent la fragilité du droit à l'avortement et sa réversibilité. J'espère, chers collègues, pouvoir compter sur votre soutien unanime à cette invitation adressée au gouvernement pour qu'il se mobilise diplomatiquement auprès des États membres de l'Union européenne et de la Commission européenne afin que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne garantisse le droit à l'avortement.

Enfin, je veux conclure ces propos, en ce 10 avril, en saluant les initiatives prises partout en Europe en solidarité avec les femmes polonaises, alors que le Parlement polonais commencera à examiner demain un projet de loi déposé par l'extrême droite qui pourrait durcir encore plus l'accès à l'avortement. Dans le même temps, la loi qui réautorise la pilule du lendemain sans ordonnance est toujours bloquée par le veto du président polonais.

Je souhaite également saluer la campagne citoyenne « Ma voix, mon choix », qui vise à lancer une initiative citoyenne européenne, pour que l'Union européenne assure, partout en Europe, à toutes les femmes, un accès sûr et gratuit à l'avortement.

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