Madame Rilhac, chacun peut avoir sa définition de la dignité. Mais ce texte repose très concrètement et exclusivement sur la décision du patient. Il est donc nécessaire que ce dernier dispose, jusqu'au terme de la procédure, de tout son discernement, sans substitution possible.
Pour ce qui est de la sécurité en cas d'intervention du proche, monsieur Le Gendre, le texte prévoit qu'un professionnel de santé soit à proximité immédiate, aussi bien en milieu hospitalier qu'à domicile. Je partage par ailleurs vos interrogations concernant l'accompagnement psychologique de ce proche qui serait conduit à administrer le produit létal.
Nous avons effectivement un important travail à mener, comme le soulignait Mme Dubré-Chirat, pour équiper le pays en structures de soins palliatifs. Notre volonté est que chaque département le soit. Quant à la décision d'autoriser l'aide à mourir, elle est bien collégiale, puisque le médecin ne rend son avis qu'après avoir interrogé un autre médecin et un personnel médico-social. Par ailleurs, la HAS a défini assez précisément la notion de court terme, et je l'ai interrogée à nouveau sur celle de moyen terme. Enfin, j'ai déjà répondu tout à l'heure à l'interrogation sur le délai de trois mois : si la personne n'a pas souhaité avoir recours à l'aide à mourir à son expiration, on vérifiera à nouveau qu'elle dispose encore de tout son discernement au moment où elle renouvelle sa volonté d'en bénéficier.
En réponse à la proposition de M. Ménagé de reporter l'entrée en vigueur de l'aide à mourir tant que l'offre de soins palliatifs n'est pas suffisante, je voudrais faire remarquer que quelqu'un qui, aujourd'hui, demande l'application des dispositifs prévus par la loi Claeys-Leonetti n'a pas forcément non plus accès aux soins palliatifs.
S'agissant du délai de quarante-huit heures minimum, je rappelle qu'il s'agit d'une personne qui souffre beaucoup et qui a demandé à bénéficier d'une aide à mourir. Une fois avisée, après l'expertise médicale, qu'elle y est éligible, elle dispose d'un délai de réflexion avant de réitérer sa demande. La question lui sera de nouveau posée lors de la réunion d'accompagnement sur les modalités de l'aide à mourir, et au moment de l'administration de la substance létale, pour être certain qu'elle souhaite toujours la recevoir. Par ailleurs, les personnes mineures et autistes sont exclues du dispositif en l'état.
Monsieur Dessigny, j'ai essayé de répondre à la totalité des questions, je ne cherche à échapper à aucune. Premièrement, l'ordre du jour a été déterminé avec le bureau de votre assemblée. Deuxièmement, il n'y a pas d'étude sur le financement des soins palliatifs. Troisièmement, l'examen du texte en séance publique est programmé à partir du 27 mai pour deux semaines. Ce n'est pas au Gouvernement de déterminer quand aura lieu le vote et s'il sera solennel ; rien n'indique qu'un tel vote sera organisé avant les élections européennes. Je suis dans l'incapacité d'en dire plus, n'étant pas chargée d'établir le calendrier de votre assemblée.
Monsieur Pilato, la décision libre et éclairée ne peut pas être pérenne dans le temps : il est toujours nécessaire de recueillir la demande du patient. Tous les médecins ici présents pourront témoigner qu'un patient peut changer d'avis. Il serait extrêmement grave de lui refuser de revenir sur sa demande dès lors qu'il l'a exprimée une fois. Il est important de poser et reposer la question au patient jusqu'au dernier moment afin d'être certain qu'il souhaite toujours recevoir une aide à mourir.
Le député Hetzel a évoqué l'état d'application de la loi Claeys-Leonetti, mais cette loi ne porte pas sur l'équipement du pays en soins palliatifs. Comme je l'ai dit, la France n'est pas au rendez-vous en la matière – elle est quinzième sur trente-huit – et nous voulons rattraper ce retard. Si l'on veut instaurer une alternative, il est important que nos concitoyens aient plus facilement accès aux soins palliatifs.
Vous demandez si le rôle du législateur est de répondre à une demande sociétale. Il est important d'écouter l'ensemble de nos concitoyens – chacun le fait dans l'environnement qui est le sien. La notion de fraternité recouvre beaucoup de choses, notamment la vulnérabilité de la personne malade qui demande à être entendue.
Concernant la question de Mme Pires Beaune sur la liberté personnelle encadrée et sur l'évolution possible du texte, je suis personnellement très attachée à l'équilibre trouvé à la suite des travaux de la CCNE et de la Convention citoyenne.
Pour répondre à la question de Sébastien Peytavie sur la maladie de Charcot, le patient est éligible à l'aide à mourir dès lors que son pronostic vital est engagé et il pourra recourir à un tiers pour l'administration du produit. En revanche, il ne sera probablement pas éligible au début de la maladie, au moment du diagnostic. C'est toute la question de l'engagement du pronostic vital à moyen terme, six ou douze mois : la grande demande des patients atteints de la maladie de Charcot est justement d'être assuré que l'aide à mourir dont ils n'ont pas besoin pour l'instant leur sera accordée si leur état de santé évolue.