Commençons par ce qui concerne les soins palliatifs, qui font l'objet de la première partie du texte. À ce jour, on compte 166 unités de soins palliatifs, mais vingt départements qui n'en disposent pas. La priorité consiste à installer des unités, d'ici à 2025, dans tous les départements. Nous souhaitons de même créer une maison d'accompagnement dans chacun d'entre eux. Pour ce faire, des appels à projets seront lancés, qui pourront donner lieu à des réponses du public comme du privé. Nous avons prévu que l'État s'engagerait sur les crédits de fonctionnement, ce qui constitue une nouveauté. Nous avons en effet tiré les leçons de l'arrêt de l'expérimentation menée par le professeur Aubry, en Bourgogne-Franche-Comté, dû à des difficultés liées aux crédits de fonctionnement. Nous pourrons ainsi travailler sereinement avec les associations et les collectivités.
Le Ségur de la santé a proposé une première réponse aux difficultés de recrutement, notamment par l'augmentation des salaires. La situation commence à s'améliorer, même si je suis très consciente que le processus sera long et difficile. L'unité d'Houdan par exemple a été contrainte de fermer par manque de personnel, mais nous travaillons à trouver des soignants et la structure devrait rouvrir ses portes en mai. Les services de soins palliatifs seront d'autant plus attractifs que l'on sera capable d'élaborer une stratégie dédiée marquant notre engagement dans la durée.
S'agissant du calendrier, nous avons choisi d'engager des crédits dès l'exercice 2024. On voit bien la nécessité de s'équiper, puisqu'une personne sur deux qui pourrait recevoir des soins palliatifs n'en bénéficie pas. Il faut rattraper notre retard, d'où cette hausse de 66 % des crédits face un nombre de patients qui va croître, comme l'a relevé la Cour des comptes, de 16 % en l'espace de dix ans. Cet engagement année par année assoit la crédibilité du plan. Cette priorité figure d'ores et déjà dans l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam).
L'article 1er maintient bien la définition des soins palliatifs, en tant que composante des soins d'accompagnement. Un référentiel international définit les soins palliatifs comme des soins actifs, continus, visant à soulager des douleurs physiques et des souffrances psychiques. Les soins d'accompagnement, qui sont recommandés par le rapport Chauvin, vont plus loin car ils s'ajoutent aux soins palliatifs.
Nous visons la création de quatre-vingts à cent maisons d'accompagnement en dix ans. Elles constituent une solution intermédiaire permettant l'accueil dans des unités de petite taille, peu médicalisées, de personnes en fin de vie ne relevant pas d'une prise en charge intensive. Elles mettent l'accent sur le bien-être physique, psychique, relationnel du patient et de ses proches. L'équipe sera composée de professionnels : infirmières diplômées d'État, accompagnants éducatifs et sociaux, aides-soignants. Pour une approche dès 2025, nous lançons les appels à projets dès 2024. Il conviendra d'analyser les résultats des expérimentations pour équiper chaque département. Les maisons d'accompagnement seront financées par l'Ondam spécifique sur la base des appels à projets.
Il n'y a pas d'opposition mais, au contraire, une complémentarité entre les soins palliatifs et l'aide à mourir. Cette dernière ne réduira absolument pas l'usage des soins palliatifs. L'article 7 dispose très clairement que le médecin commencera par proposer ce type de soins à une personne qui demandera une aide à mourir. Si le malade ne se trouve pas déjà dans un service de soins palliatifs, on lui proposera d'y accéder. Il est donc nécessaire d'augmenter le nombre de places qui y sont consacrées.
Seuls 13 % des plus de 50 ans ont écrit leurs directives anticipées. Nous allons informer le grand public, chaque année, sur l'importance des soins palliatifs. Les directives seront inscrites dans le dossier médical du patient. Nous allons informer les publics jeunes pour les inciter à réfléchir à cette question, qui est indépendante de l'âge, et allons renforcer la formation des professionnels de santé.
Les directives anticipées sont opposables sauf, à titre temporaire, lorsque des mesures conservatoires doivent être appliquées, ou lorsqu'elles sont manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. Le cadre juridique actuel ne semble pas poser de difficulté majeure, hormis dans des cas particuliers tels que les motifs religieux d'opposition à des soins courants, comme les expriment, par exemple, les Témoins de Jéhovah. Le projet de loi n'apporte pas de modifications de fond à la notion de directives anticipées mais vise à améliorer leur diffusion.
Nous n'avons pas utilisé les termes de suicide ni d'euthanasie car le projet de loi fixe un certain nombre de conditions. En particulier, le malade doit recevoir une autorisation pour accéder à l'aide à mourir. Par ailleurs, tous les pays n'emploient pas le terme d'euthanasie, qui n'est pas un référentiel international.
S'agissant de la collégialité, la loi prévoit bien noir sur blanc que le médecin doit prendre l'avis d'un autre médecin et d'un personnel paramédical. En revanche, c'est le médecin chargé de l'examen qui rend ensuite son avis et en assume la responsabilité. La procédure est donc bien collégiale et comprend une traçabilité de l'examen et de l'avis.
S'agissant de la question de la souffrance psychologique, dans son avis 139, le CCNE a considéré que, « si le législateur décide de légiférer sur l'aide active à mourir, la possibilité d'un accès légal [...] devrait être ouverte aux personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances physiques ou psychiques réfractaires ». Dans le point 24 de son avis, le Conseil d'État, pour sa part, a estimé que, s'agissant de la condition tenant aux souffrances physiques ou psychologiques, les dispositions du projet de loi « caractérisent, avec suffisamment de clarté et de précision, la situation dans laquelle une personne peut demander l'aide à mourir ». Enfin, dans son avis du 27 juin 2023, l'Académie de médecine a considéré qu'il « est inhumain, lorsque le pronostic vital est engagé non à court mais à moyen terme, de ne pas répondre à la désespérance de personnes qui demandent les moyens d'abréger les souffrances qu'elles subissent du fait d'une maladie grave et incurable ».
J'ai saisi la HAS pour lui demander de repréciser la notion de pronostic vital engagé à moyen terme.
L'aide à mourir n'est pas un soin, même si elle repose sur une appréciation médicale et fait intervenir des professionnels de santé. Il pourrait être envisagé de codifier les dispositions la concernant, comme l'a suggéré le Conseil d'État.
Si le professionnel de santé entend faire valoir sa clause de conscience et, en conséquence, ne souhaite pas participer à la procédure de l'aide à mourir, il doit en informer la personne malade et lui communiquer le nom de professionnels de santé susceptibles de le remplacer. Pour faciliter cette orientation, les professionnels de santé volontaires pourront inscrire leurs coordonnées dans un registre tenu par la commission de contrôle et d'évaluation, comme le prévoit l'article 17. Ce registre sera accessible uniquement aux médecins.
Au sujet des personnes volontaires pour l'accompagnement, nous savons que, dans les pays qui ont légiféré sur le suicide assisté, des tiers sont aux côtés du patient. Sans ouvrir aux associations la possibilité de jouer ce rôle, il nous a semblé souhaitable que le tiers volontaire soit identifié, afin qu'il puisse être protégé.
J'en viens à l'administration du produit. La règle sera que ce produit, prescrit par un médecin, soit administré par voie orale ; en cas d'impossibilité, il pourra être injecté par un médecin ou un infirmier. Ce choix ne reviendra pas au patient.
Nous n'avons pas souhaité établir une clause de conscience pour le pharmacien, qui intervient plus loin dans la prise en charge. Le produit est mis à disposition par la pharmacie à usage intérieur, qui se charge de son acheminement vers la pharmacie d'officine du lieu où se trouve le patient. Le professionnel de santé récupère le produit et l'achemine jusqu'au patient pour exécuter l'ordonnance.
S'agissant du remboursement à 100 % par l'assurance maladie et de l'interdiction des dépassements d'honoraires, il n'est bien entendu pas question que l'aide à mourir soit une activité lucrative. Mais, puisqu'il a été question d'égalité d'accès, il faut rappeler qu'il y a une véritable inégalité aujourd'hui puisque tout le monde n'a pas les moyens de faire le choix de partir vers la Suisse ou la Belgique.
Enfin, s'agissant de la traçabilité du volontariat, la commission de suivi et de contrôle devra gérer un registre des professionnels qui lui auront fait part de leur souhait de participer. Il faut insister sur cette notion de traçabilité, qui est une innovation du projet de loi.