L'inscription de ce projet de loi à notre ordre du jour constitue une vraie satisfaction. Les travaux de préparation dans le cadre des groupes de travail ont été longs et riches. Nous connaissons aujourd'hui l'aboutissement d'une réflexion difficile mais nécessaire et le début d'une nouvelle phase qui amènera notre assemblée, je l'espère, à adopter une loi fidèle au projet qui nous est soumis. C'est un sujet complexe, où les convictions personnelles, philosophiques et religieuses prennent une part prépondérante, mais aussi une question sociétale à l'égard de laquelle nous avons une responsabilité collective. Les citoyens que nous sommes exprimeront leur conviction intime ; la liberté de vote au sein de notre groupe sera la règle. Toutefois, en notre qualité de législateur, nous devons veiller à ce que nos débats garantissent à chacun une fin de vie digne et apaisée.
Aujourd'hui, en dépit d'une évolution positive de la législation, nous continuons à mal mourir en France – pas toujours, pas partout, mais encore trop souvent, notamment dans des situations très spécifiques pour lesquelles notre droit ne fournit pas de solution satisfaisante. Les insuffisances de notre système de soins palliatifs sont connues : une personne sur deux demandant à en bénéficier n'y a pas accès. Les efforts visant à accorder un accès à ces soins à tous et partout ne se réduisent pas à ce projet de loi, que la stratégie décennale dépasse et complète. Nous pourrions probablement aller plus loin sur le financement de la formation des professionnels de santé et de la prise en charge extrahospitalière. Pourquoi ne pas créer une filière palliative universitaire enfin valorisée ?
Que ce soit par ce texte, par le projet de loi de financement de la sécurité sociale ou par la voie réglementaire, nous devrons créer les conditions d'un développement effectif des soins palliatifs en France. Il faut développer l'information, concernant particulièrement les directives anticipées et la personne de confiance, et expliciter le rôle et le fonctionnement des maisons d'accompagnement. La réussite, en la matière, dépendra des moyens humains et financiers alloués.
L'aide à mourir ne doit évidemment pas être pensée comme une solution à l'insuffisance des soins palliatifs. Elle est une voie possible lorsque notre vie qui se termine devient insupportable en raison de souffrances que l'on ne sait pas soulager. Il s'agit d'assurer la reconnaissance de la liberté de choisir ce que l'on considère comme une fin de vie digne et d'être accompagné.
Si notre cadre juridique répond à la grande majorité des situations de fin de vie, il est des cas, en particulier lorsque le pronostic vital n'est pas engagé à court terme, qui appellent une autre réponse. La loi ne permettra jamais de faire face à toutes les situations mais elle doit établir un socle de droits permettant une fin de vie apaisée dans le respect de la personne et dans le cadre d'un dialogue avec l'équipe médicale et les proches. Le droit que nous ouvrirons ne s'appliquera qu'à de très rares cas, mais cette évolution marquera un changement de paradigme, comme la loi Claeys-Leonetti l'a été en son temps. Au sein de notre groupe, chacun se prononcera en conscience. Je suis, pour ma part, favorable à cette évolution. J'espère que le temps de débat qui s'ouvre permettra de répondre aux questions de chacun d'entre nous, quelles que soient ses convictions.