Nous appelons nous aussi de nos vœux un débat approfondi sur un sujet qui convoque des questions vertigineuses et indissociables des rapports sociaux, et qui impose d'avoir toujours au cœur la préoccupation de la dignité humaine.
Le chef de l'État a affirmé que « les mots ont de l'importance et il faut essayer de bien nommer le réel sans créer d'ambiguïtés ». Pourtant, à notre sens, le projet de loi entretient une ambiguïté dont nous ne saisissons pas les raisons. Pourquoi ne pas parler d'aide active à mourir, d'assistance au suicide et d'euthanasie ? C'est pourtant ce que propose le projet de loi, comme l'indique d'ailleurs le Conseil d'État.
Le Gouvernement a décidé de promouvoir les soins dits d'accompagnement, réservant un sort incertain aux soins palliatifs. Il emploie ainsi une terminologie englobante alors que les soins palliatifs renvoient à une définition et à une pratique clairement identifiées, même au-delà de nos frontières, et qu'ils demeurent présents dans d'autres dispositions du code de la santé publique. Nous avons grand besoin de faire croître la culture palliative. Le Conseil d'État juge indispensable de ne pas supprimer toute définition des soins palliatifs. Comptez-vous suivre cette préconisation ?
Le texte évoque les soins d'accompagnement, les maisons d'accompagnement et le plan personnalisé d'accompagnement, mais il n'intègre pas les propositions du professeur Chauvin concernant les instances de gouvernance et de territorialisation de ces soins et leur financement. Il est assez surprenant que l'étude d'impact considère les effets budgétaires de ces dispositions comme une question sans objet.
Le Conseil d'État résume ainsi la difficulté : « des dispositions législatives, voire réglementaires, sont insuffisantes, à elles seules, pour combler le retard constaté, ce d'autant que les dispositions du projet de loi créent une importante obligation de moyens, en particulier humains, à la charge des professions médicales, médico-sociales et sociales ».
Quant au plan décennal, il demeure aujourd'hui un mystère ; son aboutissement paraît quelque peu lointain. Il serait d'autant plus problématique d'entretenir le flou autour des soins palliatifs que nous sommes très loin de répondre aux besoins, et que ceux-ci vont s'accroître. Pour réparer cette injustice, il faut commencer par identifier clairement les besoins.
Instaurer un droit à mourir dans le contexte de la crise hospitalière des soins palliatifs et de la prise en charge de l'autonomie soulève des interrogations. Pouvez-vous nous en dire plus sur les formes de continuité et de rupture que vous avez évoquées ? J'aimerais vous entendre plus précisément sur le changement de paradigme éthique, qui est aussi social et sanitaire. Que représente l'aide active à mourir pour la société en général et, en particulier, pour les personnels soignants mis à contribution ? Quelles difficultés, factuelles et juridiques, identifiez-vous ?