Quarante-six ans après la proposition de loi relative au droit de vivre sa mort déposée par le sénateur Henri Caillavet, le Gouvernement nous soumet enfin un projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie. Dans les années 1970, Caillavet plaçait l'égalité et la dignité au cœur de ses combats politiques – il est connu pour être l'un des rapporteurs de la loi Veil sur la légalisation de l'interruption volontaire de la grossesse. Le texte dont nous débattons parle d'égalité et de dignité. Il parle surtout, comme la loi Veil, de libre choix selon ses convictions philosophiques ou religieuses.
Avec ce texte, nous avons la possibilité de faire évoluer la législation pour coller au plus près de notre devise Liberté, Égalité, Fraternité. Il ne s'agit pas d'imposer le suicide à tous mais de permettre à chacun de déterminer sa propre fin, au moment où le diagnostic vital est engagé à tel point qu'il s'agit de la dernière des dignités. Il n'est pas de plus grande liberté qu'être maître de soi tout au long de sa vie.
La France insoumise a mis à son programme, depuis 2012, le droit de mourir dans la dignité, y compris avec assistance, et l'accès garanti à des soins palliatifs. Nous considérons que l'aide active à mourir n'est pas contradictoire avec le respect de la vie et s'inscrit dans un projet de soins global. Complémentaire des soins palliatifs, elle constitue une possibilité supplémentaire offerte aux patients, leur permettant d'exercer un choix.
Cette avancée législative, 90 % des Français la souhaitent ; 85 % d'entre eux approuvent le suicide assisté. La Convention citoyenne sur la fin de vie s'est majoritairement prononcée en faveur du droit à mourir.
Ce texte, s'il propose une avancée, peut soulever des interrogations, voire inquiéter. Pour dissiper ces inquiétudes, nous avons besoin d'une politique de soins palliatifs ambitieuse, à la hauteur des besoins. Or les cinq derniers plans quinquennaux de développement des soins palliatifs ont été insuffisants.
Avec une moyenne de onze lits pour 100 000 habitants, 50 % des besoins ne sont pas couverts. Vingt-et-un départements n'ont pas d'USP. Le plan national soins palliatifs et accompagnement de la fin de vie 2021-2024 ne comporte aucun objectif quantitatif et investit un budget moyen de 2,50 euros par habitant – contre 12 euros pour l'Autriche, qui a adopté en 2021 une loi relative à l'aide à mourir et aux soins palliatifs.
Le texte prévoit la création de maisons d'accompagnement, mais n'en garantit ni le nombre ni le maillage territorial. Des projections chiffrées seraient souhaitables. Quelle garantie avons-nous que le secteur lucratif ne s'engouffrera pas dans la brèche ? Par ailleurs, à l'heure où le pays connaît une grave crise de la démographie médicale, nous insistons sur la nécessité de garantir une formation et un recrutement suffisants de personnel pour les soins palliatifs.
Le rapport d'information de la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti publié en 2023 rappelle la nécessité d'améliorer la connaissance de la population au sujet des directives anticipées et du rôle de personne de confiance. Le texte manque de clarté à ce sujet, alors même que la France a beaucoup de retard en matière de directives anticipées – seuls 13 % des Français en ont rédigé.
Nous saluons les avancées permises par le texte. Nous attendons des éclaircissements sur certains points. Nous amenderons le texte avec cette devise républicaine de Liberté, Égalité, Fraternité à l'esprit pour conquérir cette liberté ultime.