Je voudrais commencer par pousser un coup de gueule, si vous le permettez. La Cour des comptes est reconnue mondialement pour son indépendance. Elle publie des travaux de qualité et est souvent critique avec le Gouvernement. Depuis le début de l'audition de M. Pierre Moscovici par la commission il y a maintenant plus de deux heures, j'observe des tentatives – presque un acharnement indécent – pour faire dire à son Premier président ce qu'il n'a pas dit. Il n'a pas dit que les comptes étaient insincères et je voudrais rappeler à nos collègues socialistes que la Cour des comptes a déclaré des comptes insincères pour la dernière fois en 2017 et qu'il s'agissait du dernier budget d'un gouvernement socialiste.
J'observe également que certains rejouent le match s'agissant des prévisions. Le ministre a rappelé la difficulté de l'exercice pour 2023, mais notre majorité, avec une prévision de croissance à 0,9 %, avait raison. Chacun doit reconnaître avec modestie que l'environnement économique et géopolitique rend toute prévision particulièrement complexe. Il y a encore trois jours, le Fonds monétaire international (FMI) prévoyait 1 % de croissance pour la France. Il évoque désormais 0,7 %, après avoir révisé à la baisse la croissance en Europe. Nous ne pouvons pas changer nos prévisions à chaque fois qu'un organisme modifie les siennes ou pour reprendre in extenso les recommandations d'organismes extérieurs ! Nous devons retenir les hypothèses les plus justes possibles pour notre politique, qui doit avoir un impact sur notre croissance.
J'en viens à mes questions. La première concerne le changement de méthodologie de l'Insee, qui aurait des répercussions à hauteur de 0,15 point de PIB. Peut-on considérer que, sans cet ajustement, le déficit de 2023 aurait été plus proche de 5,3 % que de 5,5 % ?
Nos prévisions de croissance et de dépenses pour 2023 étaient justes. Les dépenses ont même été inférieures à ce qui était prévu. L'importante chute de nos recettes a pris tout le monde de court, y compris le Haut Conseil des finances publiques, qui trouvait crédible les prévisions associées au projet de loi de finances de fin de gestion dans son avis d'octobre 2023. Avec les équipes de Bercy – que je salue pour la qualité de leur travail – avez-vous lancé des analyses pour essayer de comprendre ce qu'il s'est passé ? Existe-t-il des moyens pour ne pas se laisser surprendre par un décrochage aussi important dans le futur ?
Concernant la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité (Crim), l'écart entre les prévisions budgétaires successives et la réalité peut surprendre et choquer beaucoup de monde, nous les premiers. Les prix spot de l'électricité ont certes fortement évolué, et c'est tant mieux pour notre économie, mais une communication n'aurait-elle pas permis d'éviter cet imbroglio de fin d'année ? Nous travaillons à rectifier les défauts dans la manière de calculer la Crim. Avez-vous des pistes de votre côté ?
Malgré les caricatures qui décrivent une gestion hors contrôle des dépenses, il faut souligner le sérieux de l'exécution du budget de l'État. Vous avez apporté des réponses précises. La baisse en volume des dépenses de 4,8 % dans le champ du budget général a été portée par une forte diminution du budget de crise – nous sommes sortis du « quoi qu'il en coûte ». En dehors de ces effets, les dépenses ont augmenté de 0,4 % en valeur : elles sont donc contrôlées.
Le montant des crédits gelés et mis en réserve est deux fois plus élevé qu'en 2022. Je peux le comprendre s'agissant des crédits gelés, compte tenu du contexte. En revanche, je m'associe à l'esprit des propos du président de la commission : le niveau des reports à la fin 2023 n'est pas normal. Il fausse la lisibilité du budget et le travail parlementaire. Avant 2019, les reports représentaient 6 à 7 milliards d'euros chaque année, un niveau cohérent avec les masses dont il est question, puis ils sont montés à des niveaux élevés. Ils sont aujourd'hui en baisse, mails il faut un plan vigoureux et volontariste de votre part car l'effort annoncé pour les faire baisser ne me paraît pas assez ambitieux.
Concernant le programme de stabilité 2024-2027, j'exprimerai plusieurs remarques à rebours de ce qui a été dit par le président de la commission. D'abord, l'objectif de déficit pour 2024 peut sembler insuffisamment ambitieux à certains. Je le trouve assez raisonnable : en raison de la faible croissance prévue pour 2024, nous disposons de moins de leviers et il faut prendre garde à ne pas casser cette croissance. En 2025 et 2026, nous devrions retrouver des niveaux de croissance plus élevés et donc des marges de manœuvre plus importantes pour jouer sur nos recettes. Ensuite, nous n'avons pas besoin de PLFR. J'ajoute simplement aux explications du ministre qu'il faut aller vite compte tenu de la dégradation de nos recettes depuis novembre. J'appelle moi aussi un débat de mes vœux, mais le PLFR n'est pas le seul moyen de débattre du budget au Parlement : les occasions ne manquent pas et nous pourrons débattre lors de l'examen du programme de stabilité puis lors de l'examen du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023.
Concernant la période 2025-2027, disposez-vous d'une estimation actualisée du niveau d'économies qu'il faudra atteindre ? Prévoyez-vous une modification des plafonds d'emploi d'ici la fin du programme de stabilité, en 2027 ?