Entre 2023 et 2024, les reports se sont élevés à 23,5 milliards d'euros. Ce montant est en baisse puisqu'il était de 29 milliards en 2022, mais il reste élevé, notamment en raison des effets latents de la crise : sur les 23,5 milliards d'euros de reports, 6 milliards concernent le plan de relance et 1 milliard concerne les entreprises énergo-intensives. Nous nous sommes donc engagés à poursuivre leur réduction.
Il n'est pas possible de suivre à l'euro près les montants des reports de 2023 vers 2024 car, une fois reportés, les crédits se fondent dans la masse – les crédits ouverts n'ont pas de millésime. Depuis l'application de la loi organique, les crédits budgétaires sont fongibles au sein d'un programme. Toutefois, pour la première fois en 2023, une annexe au projet de loi de finances de fin de gestion présente, pour chaque mission du budget, les crédits qui ont été engagés et ceux qui ne l'ont pas encore été.
Il est normal de réviser le programme de stabilité pour tenir compte du nouveau contexte économique. Si nous étions les seuls à le vivre, votre argument serait recevable mais, à quelques jours près, l'Allemagne a elle aussi revu sa croissance – de 1,3 % à 0,2 %. Les Britanniques sont entrés en récession et la Commission européenne a revu les prévisions de croissance de notre pays. Les Européens sont donc collectivement touchés par un ralentissement économique, qui n'est pas sans lien avec la guerre en Ukraine et avec les difficultés de la Chine. Notre responsabilité est bien de revoir notre trajectoire eu égard à cette nouvelle donne économique.
Vous nous demandez de prendre acte de l'échec de notre politique alors qu'elle a permis de briser le chômage de masse dans notre pays. Dans le combat contre le chômage de masse, beaucoup se sont cassé les dents alors que nous avons ramené le chômage à 7,5 % et créé 2,5 millions d'emplois. Nous rouvrons des usines. Notre politique économique, dont l'objectif ultime est plus de travail, de croissance et d'activité, produit des résultats. Notre déficit reste élevé, mais, au moment où nous protégions massivement les entreprises, les emplois, les associations et les collectivités territoriales, je n'ai pas entendu les groupes d'opposition dire : « Stop, vous protégez trop ! ». Nous avons bien fait de protéger le tissu économique : notre modèle résiste bien avec 1 % de croissance en France contre 0,2 % en Allemagne.
Quant aux prévisions de croissance, celle du Gouvernement – 1 % en 2024 – est proche de celle de la Commission européenne, de 0,9 %, et de celle de la Banque de France, de 0,8 % avec, selon le gouverneur, une marge d'erreur de 0,2 point. En décembre 2022, la Banque de France prévoyait 0,3 % pour 2023, avant de revoir cette prévision à 0,6 % en mars 2023, à 0,7 % en juin et à 0,9 % en septembre. Il n'est donc pas anormal de revoir les prévisions de croissance. La nôtre est robuste et en lien avec notre politique économique.
Vous évoquez les interrogations du Haut Conseil des finances publiques et estimez que l'effort que nous prévoyons est peu crédible. Vous soulignez qu'un tel effort n'a jamais été réalisé mais je rappelle qu'un décret d'annulation de 10 milliards d'euros n'avait jamais été pris. Je ne vois pas pourquoi nous ne parviendrions pas à faire cet effort. Il y a encore quelques mois, certains d'entre vous auraient considéré que nous ne serions pas capables d'annuler 10 milliards. Nous l'avons pourtant fait ! Nous avons immédiatement ajusté nos dépenses à nos recettes et nous sommes engagés sur cette voie pour 2025 et au delà. Je vous invite à participer à cette réflexion et à nous présenter des propositions pour atteindre cet objectif de réduction du déficit public et de réalisation d'économies.
Selon vous, ces économies risquent de remettre en question nos services publics et de casser la croissance. Je rappelle d'abord que, entre 2019 – avant la crise – et 2023, les dépenses de l'État ont augmenté de 100 milliards d'euros pour faire face à la crise. Il est donc normal de réajuster une partie de nos crédits au monde d'après la crise. Je rappelle ensuite que les dépenses publiques représentent 1 600 milliards d'euros. Un décret d'annulation de 10 milliards et une poursuite de l'effort à hauteur de 10 milliards cette année ne remettent donc pas en cause notre modèle. Nous sommes très loin d'une cure d'austérité.
Vous nous reprochez de ne pas en faire assez pour la transition écologique et vous citez le rapport de Jean Pisani-Ferry, qui évalue la part publique des dépenses pour la transition écologique à une trentaine de milliards d'euros. Il faut toutefois aussi tenir compte de l'investissement des collectivités territoriales. Depuis 2021, nos dépenses vertes augmentent chaque année, et, même après le décret d'annulation, le budget 2024 est le plus vert de notre histoire.
De quels cadeaux fiscaux parlez-vous ? La baisse du barème de l'impôt sur le revenu dans les premières tranches n'était pas un cadeau aux ultrariches, mais à ceux qui travaillent. Cette revalorisation du barème de l'IR ne s'est pas accompagnée de la revalorisation de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
Toujours concernant la justice fiscale, je rappelle que la loi de finances contient des dispositions visant à mieux lutter contre l'évasion fiscale, notamment celles traduisant l'innovation du pilier 2 de la réforme de la fiscalité internationale qui crée un impôt minimal sur les sociétés – une réussite internationale. Tout le monde en rêvait, nous l'avons fait ! Ensuite, nous renforçons la lutte contre la fraude : ainsi que mon prédécesseur Gabriel Attal s'y était engagé, le nombre de contrôles fiscaux sur les plus fortunés a augmenté de 25 %. Avant d'augmenter les impôts, nous nous assurons que les impôts dus sont payés. C'est cela, la politique de lutte contre la fraude. Enfin, nous souhaitons qu'une initiative soit prise dans le cadre du G20 pour que certains, particulièrement fortunés et mobiles, qui échappent à l'impôt – ce qui me choque autant que vous – ne puissent plus le faire. Ce n'est pas un sujet de désaccord entre nous. La question est de savoir comment faire. Une réponse purement nationale n'est pas efficace. Il faut donc notamment, comme nous l'avons fait, améliorer l'échange de données entre États pour mieux lutter contre l'évasion fiscale, ce que Gabriel Zucman a salué. Je le répète : nous sommes favorables à une initiative internationale pour lutter contre l'évasion fiscale des contribuables les plus fortunés. Comme vous, nous sommes révoltés quand certains contribuables, notamment les plus fortunés, échappent à l'impôt. Le Président de la République et Bruno Le Maire ont pris un engagement en la matière et nous souhaitons voir aboutir ces échanges dans le cadre du G20.
Je rappelle que les parlementaires de la majorité travaillent sur différentes questions fiscales : les rentes, l'encadrement des rachats d'actions – auquel le Gouvernement est favorable – et les énergéticiens.
Je confirme qu'il y aura un projet de loi de finances fin de gestion, comme il y en a systématiquement pour permettre des ouvertures et des annulations de crédits. C'est une souplesse indispensable.
Par ailleurs, les 10 milliards d'euros d'efforts supplémentaires pour atteindre l'objectif de 5,1 % ne nécessitent pas de PLFR. L'effort attendu de l'État représente en effet environ 5 milliards d'euros et nous disposons de 7 milliards d'euros de crédits en réserve. Les réserves servent à faire face aux aléas, comme celui représenté par une croissance moins forte que prévu. Nous mobiliserons donc la réserve de précaution tout en continuant à réaffirmer que les finances publiques sont gérées en partage avec les collectivités territoriales et que l'augmentation des dépenses de fonctionnement doit ralentir. Nous consacrerons un débat aux recettes, prenant en compte les initiatives des parlementaires. En somme, nous n'avons pas besoin d'un texte.