La gouvernance du système de déplacement n'existe pas. Les autorités organisatrices de la mobilité sont, en effet, restées organisatrices des transports. Les mots ont un sens, qui diffère selon que l'on évoque les transports, les déplacements ou la mobilité. Dans notre monde, la mobilité prise au sens conceptuel est un mode de vie qui se réfère au déploiement dans le temps et dans l'espace d'un programme d'activité. À un type de mode de vie sont liées des activités spécifiques, qui peuvent être effectuées à domicile, à côté, ou plus loin. Or il n'existe pas de gouvernance de cette mobilité et le système de pilotage public, qu'il soit national ou local, s'intéresse uniquement à l'offre de transport, c'est-à-dire à des flux de voitures, de vélos ou de passagers. Personne ne se demande, et il s'agit là de la notion de déplacement, d'où viennent les personnes, où elles vont et pourquoi. De nombreux déplacements ne sont en outre pas recensés, en raison des contraintes techniques liées aux enquêtes. Historiquement, les politiques sont donc axées sur le transport au sens d'une offre d'infrastructure ou de services, sans vision multimodale des déplacements.
Je plaide ainsi pour l'invention d'une autorité organisatrice de la mobilité, au sens le plus large du terme. Il est possible de considérer que la loi d'orientation des mobilités a confié cette tâche aux régions, mais les régions, leurs élus et leurs techniciens ont largement, par le passé, légitimé et rendu visible leur présence politique en construisant des lycées et en faisant rouler des TER. Il semble plus pertinent de prendre pour base de départ les cultures professionnelles dans les régions, alors que celles-ci devront apprendre et s'acculturer longuement sur ces questions de mobilité.
Un autre secteur totalement lacunaire est celui de l'exploitation de la route. Dans l'espace périurbain, de nombreuses routes sont à inventer. Les routes départementales doivent notamment être transformées, pour devenir les nouvelles voiries de ces territoires périurbains, à condition de parvenir à les densifier et à les compacter, en permettant les mobilités douces et la circulation facilitée d'autres modes de déplacement. De même dans les lotissements, où la voirie est à réinventer. Mais ces problématiques sont délaissées, en raison de la division des compétences par la propriété des voiries. De la circulation sur les voiries naît le besoin d'opérateurs de réseau. Au début de l'automobile en France, ce rôle était dévolu aux frères Michelin avec leurs cartes, leurs guides et leurs bandes de jalonnement, qui avaient intérêt à ce que le réseau automobile se développe, permettant que les routes ne soient pas des tronçons, mais plutôt un réseau dans son ensemble. Cette autorité organisatrice de l'exploitation de la route reste donc à inventer.
Quant à la question de l'intermodalité et du transport ferroviaire, j'estime, pour votre région, qu'aux RER métropolitains doivent être préférés les services express régionaux métropolitains. Le RER est un modèle parisien avec, au bout de chaque ligne, quelques millions d'usagers que l'on ne retrouve pas dans les métropoles. L'une des lois fondamentales de l'économie des transports étant la massification des flux, des millions d'habitants entraînent une massification dans le RER, des centaines de milliers une massification dans les métros ou les tramways, et des milliers dans les autocars ou les voitures partagées, ces dernières étant considérées comme le transport collectif du périurbain. La question essentielle, en cas de développement des services ferroviaires, est celle des gares, toujours en lien avec le projet territorial. Cela pourrait consister à partir des infrastructures, d'un schéma des pôles, des nœuds et des hubs de mobilité, dont certains peuvent être des gares et des trains. J'insiste donc sur ce point, sans pour autant plaider pour une nouvelle réforme législative ou institutionnelle, car cela peut se réaliser au niveau technique, avec des agences d'urbanisme ou des syndicats mixtes de mobilité. La boîte à outil existe, mais nous avons pris l'habitude de ne pas considérer à la bonne échelle et dans toute la profondeur du concept ces questions de mobilités.