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Intervention de Damien Adam

Réunion du mardi 9 avril 2024 à 18h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Adam, rapporteur :

Soixante pour cent des véhicules neufs acquis en France le sont à destination des entreprises, et une très grande part d'entre eux sont utilisés par les 3 500 entreprises dotées d'une flotte de plus de 100 véhicules. Ces sociétés les conservent en moyenne pendant trois ans, puis ils alimentent le marché de l'occasion pour la classe moyenne et, dans une troisième vie, pour les classes populaires. Il est donc très efficace d'agir pour le verdissement des flottes de ces grandes entreprises en vue de réduire plus rapidement nos émissions de gaz à effet de serre, de développer le marché de l'occasion et d'aider l'industrie française et européenne dans sa transition.

C'est le sens de ce texte, qui se compose de quatre articles. L'article 1er propose une trajectoire rehaussée de verdissement des flottes des entreprises, en se concentrant notamment sur les véhicules à très faibles émissions, c'est-à-dire sur ceux qui émettent moins de 20 grammes de CO2 par kilomètre. C'est le choix qu'a fait l'Union européenne en n'autorisant que ces véhicules à partir de 2035. Il est donc cohérent de préparer une trajectoire en vue de cette échéance. En pratique, cela revient à exclure les véhicules à faibles émissions, soit ceux qui émettent moins de 50 grammes de CO2 par kilomètre. Les hybrides rechargeables sont notamment concernés : selon un rapport de la Commission européenne qui date d'il y a quelques jours, ils émettent, en conditions réelles d'utilisation, une moyenne de 136 grammes de CO2 par kilomètre, au lieu des 40 grammes théoriques. C'est particulièrement le cas quand ils sont utilisés dans le cadre d'une flotte d'entreprise.

Dès le début des réflexions du Parlement français au sujet du verdissement des flottes, nous avons adopté une attitude de neutralité technologique. Ce n'est en effet pas à nous de choisir quelles technologies doivent être autorisées. Il nous revient en revanche de fixer un seuil, celui des véhicules à très faibles émissions, et aux industriels de prouver que leurs technologies ne le franchissent pas. C'est à cette condition que la transition du secteur des transports pourra avoir lieu. Je maintiens évidemment cette logique et si, dans le futur, de nouvelles technologies peu émettrices se développaient, elles rejoindraient automatiquement la liste de celles que permet la loi, et le taux de verdissement des flottes en tiendrait compte.

Ayant déposé la proposition de loi en 2023, je faisais débuter la trajectoire de verdissement envisagée en 2024. Toutefois, l'année sera passée avant l'adoption définitive de la loi. Par amendement, je vous proposerai donc de décaler l'ensemble de la trajectoire d'une année, pour la faire commencer à 20 % des nouvelles acquisitions en 2025 et l'augmenter de 10 points par an, en vue d'atteindre 50 % en 2028 et 90 % en 2032. Certains pourraient penser, en regardant la situation au prisme actuel, que cette trajectoire va trop vite. Mais il ne faut pas oublier que la plupart des constructeurs présents en Europe – Renault, Stellantis ou encore Volkswagen – ont annoncé qu'ils ne proposeraient plus à la vente que des véhicules électriques à partir de 2030 en Europe.

Le texte concerne les véhicules particuliers, les cyclomoteurs, les motocyclettes légères d'une puissance maximale supérieure ou égale à 1 kilowatt, les véhicules légers et une partie des véhicules utilitaires légers. Nous reviendrons à ces derniers pendant les débats pour prendre en compte l'offre disponible sur le marché, la cohérence de cette offre avec les besoins des entreprises en termes de poids et d'autonomie, ainsi que les prix pratiqués. Je proposerai, comme certains d'entre vous, d'ajouter à cette liste les quadricycles lourds et les tricycles à moteur.

Le sujet des loueurs fait couler beaucoup d'encre. Il y en a de deux types. Le premier, constitué des loueurs de longue durée, comprend 138 sociétés de leasing dotées de flottes de plus de 100 véhicules, qui ont immatriculé 1 096 097 véhicules neufs en 2023, soit 54 % du total des véhicules neufs légers immatriculés en France. Leur rôle est donc essentiel, notamment parce qu'elles sont propriétaires de nombre de véhicules utilisés ensuite par d'autres entreprises. Pour éviter que les entreprises locataires n'achètent le minimum de véhicules à très faibles émissions requis pour se conformer à la loi et ne louent, pour combler le reste de leurs besoins, des véhicules thermiques à des loueurs sur lesquels porterait la sanction, je proposerai un amendement encadrant l'écart possible entre la part de véhicules achetés en propre par une entreprise et celle des véhicules qu'elle loue.

C'est la location de courte durée qui fait le plus parler de ma proposition de loi, et cela se traduit par de nombreux amendements à ce sujet. Soyons clairs : la trajectoire ne peut pas être la même pour les loueurs de courte durée et pour les autres entreprises. Nous devons prendre en compte les spécificités du secteur, notamment le fait que le rythme de renouvellement des véhicules s'élève à neuf mois en moyenne pour les loueurs, contre trente-six mois pour le reste des entreprises : une trajectoire adaptée se justifie donc. Je proposerai une trajectoire revue pour la location de courte durée et les entreprises de l'autopartage, en commençant à 5 % des nouvelles acquisitions en 2025, soit un objectif quatre fois moindre que celui des autres entreprises, pour atteindre 25 % en 2028 – deux fois moins que les autres entreprises – avant de rattraper progressivement la trajectoire commune, aboutissant à 90 % en 2032. Cette dernière fera l'objet – ce sera proposé par voie d'amendement – d'une clause de revoyure en 2027, afin de l'adapter à la réalité du marché constatée à ce moment-là.

Le bonus écologique pour les flottes d'entreprises ayant été supprimé en février 2024, il convient d'intégrer directement l'écoscore à la proposition de loi. Je vous inviterai donc par amendement à accorder un bonus de 20 % aux véhicules électriques bénéficiant de l'écoscore : un véhicule à écoscore comptera ainsi pour 1,2 au lieu de 1. Ce score est calculé, pour 70 % de sa valeur, sur le fondement de l'empreinte carbone des étapes du cycle de vie d'un véhicule précédant son utilisation. Il est tenu compte dans son calcul des matériaux utilisés, de leur transformation et de leur assemblage. Il permettra de favoriser les constructeurs français et européens. En effet, selon l'ONG Transport & Environnement, si la part des véhicules fabriqués en France reste stable, la demande additionnelle engendrée par la réforme entraînera la vente de 1,7 million de véhicules produits dans les usines de notre pays et constituera un fort soutien à la filière automobile.

L'article 2 traite des obligations de transparence. L'obligation de reporting est très largement ignorée par les entreprises. Or, elle est à la portée de tous et est essentielle pour déterminer si les entreprises respectent la trajectoire de verdissement et permettre aux parlementaires de contrôler le respect de la loi. L'article 2 fixe donc dans la loi l'obligation de transmission d'informations. Les entreprises qui y sont soumises devront également communiquer le taux de verdissement de leurs flottes dans la déclaration prévue par la directive dite « CSRD » (directive n° 2022/2464 du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) no 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises) – laquelle porte sur la communication extrafinancière.

Le manquement à cette obligation sera sanctionné par une amende, qui s'élève, dans la rédaction actuelle de l'article, à 10 000 euros, puis à 20 000 euros en cas de récidive. Mais que valent 10 000 euros pour une entreprise du CAC40 ? Pour que la sanction soit proportionnelle à la situation de l'entreprise condamnée, je vous proposerai de la fixer à 0,1 % du chiffre d'affaires français de cette dernière.

L'article 3 crée une sanction pour non-respect de la trajectoire de verdissement prévue à l'article 1er. Cette sanction, indispensable pour s'assurer du respect de la réglementation, est fixée à 5 000 euros maximum par véhicule manquant, dans une limite maximale de 1 % du chiffre d'affaires. Afin de laisser le temps aux entreprises de s'y préparer et pour ne pas suivre une logique punitive, je vous proposerai d'instaurer par amendement une progressivité du montant de l'amende : 2 000 euros en 2025, 4 000 euros en 2026 et 5 000 euros à partir de 2027.

Enfin, l'article 4 rend possible d'exclure des marchés publics les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations de transmission d'informations ou la trajectoire à laquelle elles sont tenues. J'insiste sur le caractère facultatif de cette mesure : il reviendra à l'acheteur ou à l'autorité concédante de décider s'il souhaite l'appliquer. Il ne me paraît pas justifiable qu'une entreprise qui ne respecte pas la loi accède à certains marchés publics : il y aurait du sens à ce que cet accès soit réservé aux entreprises vertueuses, le tout restant évidemment à la main des acheteurs.

Les effets attendus du texte parlent d'eux-mêmes. Selon les modélisations de l'ONG Transport & Environnement, cette réforme présente des vertus écologiques, économiques et sociales. Sur le plan écologique, elle permettrait à elle seule de réduire les émissions du secteur automobile en France de 57 millions de tonnes de CO2 entre 2025 et 2035, ce qui équivaudrait à l'arrêt total de tout le trafic aérien français pendant près de deux ans et demi. Ce serait une contribution non négligeable à la réduction de 30 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des mobilités d'ici à 2030 que promeut le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE).

Sur le plan économique, cette réforme favoriserait nos constructeurs et entraînerait la production de 550 000 véhicules électriques supplémentaires dans nos usines. Du côté des utilisateurs, la motorisation électrique est la moins chère du marché, notamment pour les entreprises, le TCO, ou coût total de possession, des véhicules électriques étant le plus intéressant pour ces dernières.

Enfin, le texte vise à alimenter le marché de l'occasion en véhicules électriques. Plus de 70 % des Français achètent leur véhicule d'occasion. Pourtant, en 2023, seuls 17 % des véhicules d'occasion proposés à la vente étaient électriques. Cette loi permettrait d'injecter 2 millions de véhicules électriques supplémentaires d'ici à 2035 sur le marché de l'occasion, soit vingt fois plus qu'actuellement. Ainsi, les ménages pourraient activement prendre part à la décarbonation de leur mobilité, à un prix abordable.

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