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Intervention de Jean-René Cazeneuve

Séance en hémicycle du mercredi 13 juillet 2022 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2021 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Tout d'abord, je voudrais m'associer à l'hommage rendu à l'homme décédé hier à la suite d'un accident du travail. Je souhaite que tout soit fait pour que de tels faits ne puissent plus se reproduire.

Pour ouvrir la 16e législature, l'Assemblée est saisie du projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2021. Le calendrier budgétaire est bien fait : quoi de mieux pour entrer en matière financière et budgétaire qu'un regard rétrospectif et analytique sur la dernière gestion ? L'année 2021 a été hors norme du point de vue des finances publiques. Conformément à la loi de finances pour 2021, elle a été la première année de plein exercice du plan de relance. Souvenons-nous qu'elle fut, comme 2020, une année de financement du « quoi qu'il en coûte ». La poursuite de la crise sanitaire nous a contraints à instaurer de lourdes restrictions de l'activité économique, encore en vigueur en milieu d'année 2021.

Toutefois, tout cela a eu lieu dans un contexte économique radicalement différent de celui observé en 2020. Notre pays a connu l'année dernière une croissance de 6,8 %, un résultat sans précédent depuis un demi-siècle. Il faut le souligner et j'espère, s'en réjouir tous ensemble : c'est nettement au-dessus de l'expansion moyenne observée parmi nos principaux partenaires européens.

La France a bien entendu bénéficié d'un environnement international favorable, mais si elle a retrouvé son niveau d'activité d'avant crise dès la moitié de l'année 2021 – plus tôt que la plupart de nos partenaires économiques –, elle le doit également à des choix économiques et budgétaires efficaces, comme l'a montré M. le ministre délégué. L'association d'une politique d'urgence massive et constante et d'un plan de relance à la fois diversifié, ciblé et territorialisé a permis, en quelque sorte, de bénéficier d'un retour sur investissement.

Il n'est en outre pas contestable que la baisse du taux de chômage à 7,4 % fin 2021, particulièrement marquée pour les jeunes, est en lien avec la réforme du marché du travail et de la formation, mise en œuvre à compter de 2017 par la majorité, ainsi qu'avec les politiques publiques conçues en réponse à la crise, en particulier le plan « 1 jeune, 1 solution ».

Ce mouvement favorable est également observé pour les collectivités territoriales. En 2021, leurs recettes, notamment fiscales, ont été extrêmement dynamiques et leur capacité d'autofinancement a atteint un niveau record historique, supérieur à 40 milliards. Ce résultat, nous les avons d'ailleurs aidées à l'obtenir.

La situation des finances publiques en 2021 est la résultante de ce contexte contrasté. L'effort en faveur des dépenses d'urgence et de relance a été substantiel et a même été relayé en fin d'exercice par de nouvelles mesures rendues nécessaires par une inflation de plus en plus forte. En contrepartie, le dynamisme de l'activité économique et du marché du travail a contribué à accroître les ressources publiques. Les prélèvements obligatoires ont couvert une partie plus importante qu'attendue des besoins de financement, alors même que des baisses d'impôts – la poursuite de la suppression progressive de la taxe d'habitation par exemple – conduisaient à modérer leur rendement. L'accélération de la reprise économique en fin d'exercice a d'ailleurs conduit à des montants recouvrés nettement plus élevés que ceux anticipés en toute fin de gestion, y compris au mois de novembre. Au total, le déficit public est demeuré élevé, à 6,4 % du PIB, en nette amélioration néanmoins par rapport à 2020, où il s'était établi à presque 9 % de la richesse nationale. La dette publique s'est établie à 12,5 % du PIB au 31 décembre 2021, après avoir atteint 114,6 % fin 2020.

Mais revenons à l'exécution budgétaire. L'année 2021 a d'abord été marquée par la nécessité de poursuivre le décaissement des crédits d'urgence pour faire face à la crise sanitaire. Alors que peu de crédits avaient été ouverts en 2021 pour la mission "Plan d'urgence face à la crise sanitaire" , dans la perspective de la fin de cette crise, souvenons-nous que les cafés et restaurants notamment n'ont accueilli progressivement leur clientèle qu'à compter du mois de mai 2021 et n'ont pu le faire sans restriction qu'à compter du mois de juin.

Le Gouvernement a donc été conduit, au cours du 1er trimestre, à reporter 28,8 milliards de crédits d'urgence de 2020 vers 2021. Il a ensuite pris un décret d'avance en mai, afin de mieux répartir les crédits dédiés à l'urgence. Enfin, le Parlement a accepté la proposition du Gouvernement d'augmenter de nouveau ces crédits d'urgence pour un montant de presque 10 milliards, en adoptant une loi de finances rectificative au mois de juillet. Au total, la mission "Plan d'urgence face à la crise sanitaire " a donné lieu en 2021 à 34,4 milliards de décaissements, soit seulement 8 milliards de moins qu'en 2020.

S'agissant du plan de relance, les craintes que son démarrage soit poussif et que les crédits se révèlent sous-consommés n'ont pas été vérifiées. Si son expression budgétaire n'a malheureusement pas la simplicité qui caractérisait le plan d'urgence, il est acquis qu'il a été engagé à plus de 70 % fin 2021 sur les 100 milliards dont il est constitué pour les années 2021 et 2022. De plus, il a fait en 2021 l'objet de décaissements à hauteur de plus de 40 % de ce montant. C'est le résultat d'une volonté politique et de l'appropriation par les Français de dispositifs efficaces et favorables à la transition écologique et à l'économie, comme MaPrimeRenov' ou la prime à la conversion pour acquérir un véhicule propre.

Les échéances électorales nationales ont empêché cette année les rapporteurs spéciaux de la commission des finances de procéder, pour les crédits relevant de leur compétence, à leur désormais traditionnel travail de suivi et de contrôle de l'exécution financière, ainsi que d'évaluation. Mon rapport examine toutefois l'exécution des crédits budgétaires par missions et programmes. L'information de l'Assemblée en est ainsi dûment complétée dans l'attente de l'exercice de leurs fonctions par les futurs rapporteurs spéciaux.

Ce panorama détaillé montre qu'au-delà de l'urgence et de la relance, l'exécution budgétaire pour 2021 est marquée par le respect des lois de programmation en matière de défense, de justice, d'aide au développement et de recherche. En outre, l'évolution des dépenses de personnel demeure relativement contenue, même si 2021 marque le début de la mise en œuvre du Grenelle de l'éducation et des revalorisations salariales en faveur des enseignants, pleinement légitimes, qui lui sont associées.

La fin de l'exécution budgétaire 2021 a également été marquée par l'accélération de l'inflation et par les premières mesures destinées à en protéger les Français. Outre la décision de geler les tarifs du gaz à leur niveau du 31 octobre 2021 et de prévoir un dispositif analogue pour la fourniture d'électricité, la loi de finances rectificative de fin de gestion a prévu le versement d'une indemnité d'inflation de 100 euros à 38 millions de personnes. Par ailleurs, la même loi a donné lieu à l'ouverture de crédits au titre de la charge de la dette et de la fraction de nos emprunts indexés sur les prix.

Au total, la gestion budgétaire de 2021 a clôturé le « quoi qu'il en coûte », placé le plan de relance au cœur de nos politiques publiques et constitué un prélude aux défis économiques et financiers auxquels nous faisons face en 2022. Il s'agit de protéger les Français et leur pouvoir d'achat dans un contexte de forte inflation, alors que nos finances publiques sortent substantiellement dégradées de la période de crise sanitaire qui s'est ouverte au début de l'année 2020.

Il conviendra de redéfinir très prochainement la trajectoire de nos finances publiques : c'est important pour notre indépendance et pour notre souveraineté. Dès le début de l'automne prochain, ce sera précisément l'objet de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques et du premier débat sur la dette, tel qu'il est désormais prévu par la loi organique relative aux lois de finances après la réforme adoptée en fin d'année 2021.

Avant de conclure, quelques mots sur les travaux de notre commission. Elle a exprimé le souhait d'obtenir du Gouvernement des informations supplémentaires sur la fin de gestion des missions Cohésion des territoires et Travail et emploi ainsi que sur les fonds sans personnalité juridique. Je suis certain que le Gouvernement aura à cœur de répondre ici à ces attentes. Il en va ainsi de la demande de rapport relatif aux primes et décotes à l'émission de notre dette. Sur ce point, il est avéré que notre dette est bien gérée grâce à une action administrative dont la qualité renforce notre crédibilité sur les marchés. Il n'y a pas de cachotterie, mais un enjeu relatif à la dette dans son ensemble, auquel notre pays doit faire face avec sérénité et détermination. Ne confondons pas la paille et la poutre.

Pour conclure, il nous appartient, chers collègues, de nous prononcer sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021. Soyons clair, il ne s'agit pas d'approuver ou non la gestion du point de vue politique mais, en adoptant un point de vue comptable, de fixer l'exercice budgétaire de l'an dernier, d'entériner les recettes et les dépenses constatées sur l'ensemble de l'exercice. Alors que les prochains textes financiers seront l'occasion de vrais débats budgétaires, je souhaite que le projet de loi recueille l'assentiment de notre assemblée, comme cela a été le cas au sein de notre commission.

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