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Intervention de Michèle Peyron

Réunion du mercredi 10 avril 2024 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Peyron, rapporteure :

En préambule de mon intervention, je souhaiterais également souligner l'importance des rapports d'application. Il revient au législateur de contrôler l'action du Gouvernement et l'application de l'ensemble des mesures que nous avons votées.

Au-delà de ces avancées pour la protection des enfants, dont nous pouvons nous féliciter, il convient également d'évoquer la publication tardive de certains décrets, ayant retardé l'entrée en vigueur de plusieurs de ces mesures.

Il s'agit notamment de l'article 1er, qui prévoit, en cas d'accueil d'un enfant protégé chez un membre de la famille ou un tiers digne de confiance, dont le décret d'application a été publié le 28 août 2023.

Nous pouvons également évoquer l'article 14, prévoyant la possibilité pour le juge de proposer aux parents une mesure d'assistance éducative, dont le décret d'application n'a été publié que le 2 octobre 2023.

De même, l'article 17, permettant aux mineurs accueillis par l'ASE de désigner une personne majeure de confiance afin de l'accompagner dans ses démarches, n'a été suivi de la publication de son décret d'application que le 28 août 2023. Le décret d'application de l'article 25, créant la possibilité pour le juge des enfants de renvoyer un cas complexe à une formation collégiale en assistance éducative, a été publié le 2 octobre 2023.

Deux mesures phares du texte ont fait l'objet d'une application particulièrement tardive. Il s'agit des décrets publiés le 19 février dernier, évoqués en préambule de cette intervention. Ainsi l'article 7, qui a posé le principe de l'interdiction de l'hébergement en hôtel des enfants pris en charge au titre de l'ASE, sauf exception, et l'article 9, portant sur le mentorat et le parrainage des enfants faisant l'objet d'une mesure de protection, sont entrés en vigueur il y a un peu plus d'un mois seulement.

Si l'entrée en vigueur très attendue de l'article 7 de la loi, qui interdit l'hébergement à l'hôtel des mineurs relevant de l'ASE, est à saluer, nous déplorons néanmoins la tardiveté de la publication du décret, ce qui n'a pas permis aux départements de trouver des solutions alternatives adaptées pour ces jeunes, et nous regrettons la portée des dérogations introduites au principe d'interdiction.

En effet, dans certaines situations d'urgence, les jeunes majeurs de moins de 21 ans et les mineurs de plus de 16 ans pourront être hébergés dans des structures telles que des centres de vacances ou autres structures autorisées sous la surveillance, de jour comme de nuit, d'un professionnel formé et sans excéder deux mois d'hébergement. Le décret ne mentionne pas de ratio d'encadrement par jeune accueilli et ne précise pas la nature de la formation suivie par ces professionnels accompagnants, dont le rôle semble relever de la simple surveillance.

Nous resterons vigilants quant à la mise en œuvre de ce décret, afin que le nombre et la qualification des professionnels chargés de l'accueil des enfants en pareille situation soient compatibles avec l'intention du législateur, qui est de renforcer la protection de ces enfants et d'améliorer leurs conditions de vie et de développement.

Enfin, les mesures relatives à la petite enfance prévues dans la loi ne sont, pour l'essentiel, pas entrées en vigueur, faute de publication des décrets, ce dont on ne peut se satisfaire.

La réforme de la protection maternelle et infantile (PMI), prévue par l'article 32 de la loi, est largement privée de sa portée en l'absence de publication des décrets, déterminant d'une part les objectifs nationaux de santé publique devant être respectés pour garantir un niveau minimal de réponse aux besoins sanitaires et sociaux de la population, et d'autre part, les normes minimales d'effectifs à respecter au sein des services et activités intervenant dans le champ de la petite enfance.

Alors que l'article 32 de la loi précise que la fixation de ces objectifs nationaux et des normes minimales d'effectifs relève d'un décret en Conseil d'État pour une entrée en vigueur au 31 décembre 2022 au plus tard, le décret n'a pas encore été publié.

L'arrêté prévu par l'article 34, relatif aux dispositifs médicaux de soutien à l'allaitement que l'infirmier est habilité à prescrire, n'a pas non plus été publié.

Le rapport sur la prise en charge par l'assurance maladie des actes et des examens effectués par les infirmiers est également en attente.

Nous déplorons que l'ensemble des mesures qui concrétisent la réforme de la petite enfance dans la loi du 7 février 2022 subissent un tel retard de mise en œuvre.

Le cabinet de la ministre déléguée chargée de l'enfance et de la jeunesse, rencontré dans le cadre de nos travaux, a pu nous exposer les difficultés de concertation tout autant que techniques rencontrées pour la mise en œuvre de certaines mesures.

Ainsi, l'instauration de la base de données nationale des agréments, prévue par l'article 36, nécessite une importante conduite de projets sous l'égide de l'Agence française de l'adoption, coordonnant des groupes de travail composés chacun d'une quinzaine de départements, en vue de la conception de la base de données au second semestre 2024 et d'un déploiement complet en 2025.

Parallèlement, les travaux réglementaires nécessitant l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et du Conseil d'État sont prévus simultanément à cette conduite de projets, afin de publier le décret d'application fin 2024.

Sans minimiser les obstacles techniques et le temps de concertation nécessaire de l'ensemble des acteurs nationaux et locaux, nous regrettons l'absence de mise en œuvre de ces dispositions, plus de deux ans après la promulgation de la loi. Nous invitons le Gouvernement à veiller à ce que leur application intervienne dans les meilleurs délais.

Pour conclure, nous serons attentifs à l'évaluation qui devra être faite de l'application de cette loi et à son application sur le terrain, notamment en ce qui concerne la situation des mineurs non accompagnés dans les territoires ruraux. En particulier, les dérogations à l'interdiction d'hébergement à l'hôtel des mineurs de l'ASE, devront faire l'objet d'une attention très particulière dans le cadre de la future évaluation.

Il conviendra également, dans ce cadre comme dans le rapport d'application de la loi, de veiller à la conformité des pratiques avec l'intention claire du législateur, pouvant ainsi être synthétisée : toujours protéger l'intérêt supérieur de l'enfant, quels que soient son histoire, son parcours, son état de santé physique ou psychique, ou sa nationalité.

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