Intervention de Katia Sanerot

Réunion du jeudi 28 mars 2024 à 11h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Katia Sanerot, vice-présidente du Syndicat des producteurs audio indépendants (PIA) :

Je suis directrice générale de Louie Media, un média et un producteur de podcasts natifs fondé en 2018. Je suis également vice-présidente du PIA qui représente aujourd'hui plus de 30 producteurs natifs de ce nouveau média.

Le podcast est un média né dans les années 2000. C'est un contenu audio disponible sur le web, notamment via des applications d'écoute dédiées ou des plateformes de streaming majoritairement américaines.

Un podcast natif est un podcast qui a été créé spécifiquement pour une diffusion numérique. Ce n'est pas un podcast de rediffusion d'émissions de télévision ou de radio. Comme il s'agit d'un programme natif, il ne doit rentrer dans aucune case préalablement pensée. Dès le départ, sa liberté de ton et de forme est assez étendue et nouvelle.

Depuis quelques années, nous vivons des évolutions sociétales fortes. Le podcast a toujours su les anticiper et être aux avant-postes. Il a joué un rôle important dans les prises de conscience et le récit de ces évolutions. Il permet de comprendre le monde qui vient.

Ainsi, par exemple, les sujets de féminisme ont été traités par des podcasts comme La Poudre dès 2016, avant même le mouvement #MeToo. L'inceste a été abordé dans le podcast Ou peut-être une nuit, avant La Familia grande et le mouvement #MeTooinceste. Les sujets de harcèlement scolaire, de discrimination raciale, les thèmes relatifs aux communautés LGBTQIA+, à l'écologie, les omertas en général qui peuvent avoir cours au sein des familles sont également abordés dans des podcasts depuis plusieurs années. Tous ces podcasts donnent à entendre des témoignages, une diversité de formats, des enquêtes documentaires, des entretiens intimistes. Ils nous laissent entendre des voix, dont les récits nous transportent et nous transforment,

Les podcasts natifs ont été des acteurs moteurs de la libération de la parole et, à ce titre, ils ont été récompensés par des prix journalistiques référents et créatifs.

Le podcast fait un travail de sens et de fond avec la force du son et de la voix, à un moment où les inquiétudes sur l'impact des écrans dans nos vies sont fortes. De plus, les auditeurs de podcasts sont capables d'écouter des contenus longs, longtemps et fréquemment. Cela contraste avec les vidéos Instagram ou TikTok de quelques secondes. J'ajoute que le podcast fait aussi rayonner la langue française, bien plus que les vidéos sous-titrées en anglais que proposent de plus en plus les médias francophones.

Le podcast connaît une croissance significative depuis les années 2020. 20 millions de Français ‒ soit 37 % de la population ‒ écoutent chaque mois 200 millions d'épisodes. L'usage du podcast natif est particulièrement important chez les jeunes puisque 60 % des auditeurs de podcasts ont moins de 35 ans.

Les podcasts sont accessibles gratuitement sur tous les supports connectés mais ils sont nés avec les smartphones. Ils sont consommés majoritairement en mobilité, à la demande et directement dans nos oreilles, donc dans le cadre d'une réelle intimité. Avec le podcast, nous sommes passés de l'audio créé pour tous à l'audio créé pour chacun.

Ce sont ces œuvres créatives qu'il faut protéger et accompagner parce qu'elles jouent un rôle majeur dans l'éducation et dans l'information de nos jeunes.

Le secteur du podcast natif est concurrencé par de nouveaux acteurs qui émergent dans les domaines de l'influence et du divertissement, mais aussi par des acteurs internationaux qui, grâce à l'intelligence artificielle, rendent leur vision du monde et tout leur contenu accessibles à moindre coût à toutes et à tous. Or nous ne jouons pas tous avec les mêmes règles, ni surtout avec les mêmes moyens. Les médias et les producteurs natifs de podcasts financent leurs contenus et tout leur développement avec de la publicité, sans aucune aide ni financement de plateforme.

J'ai évoqué le caractère gratuit du podcast, et il me semble important d'y revenir. Le podcast est majoritairement gratuit pour les auditeurs et les auditrices qui ne payent pas l'écoute des contenus. Ils payent leur téléphone, ils payent leur abonnement de streaming, mais ils ne payent pas les médias.

Le podcast est également gratuit pour toutes les plateformes qui exploitent ce contenu, sans rémunération des ayants droit et ni reconnaissance de droits voisins. Pour nous permettre de développer cette offre, il est donc indispensable que le podcast soit reconnu comme un média à part entière et que les créateurs de podcasts soient reconnus comme des créateurs à part entière. Il faut protéger et aider cette production indépendante, cette exception culturelle française qui contribue significativement à l'information notre société et de notre jeunesse. Il faut aider le podcast natif pour lui permettre de surmonter les difficultés auxquelles il est confronté aujourd'hui.

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