Le 12 mars dernier, Mme Mereana Reid Arbelot et ses collègues du groupe GDR-NUPES ont déposé une proposition de résolution tendant à la création de la commission d'enquête que vous avez évoquée, Monsieur le président. Le 19 mars, le président Chassaigne a indiqué lors de la conférence des présidents que son groupe souhaitait utiliser son droit de tirage à cette fin.
Trois conditions sont requises pour qu'une proposition tendant à la création d'une commission d'enquête soit recevable.
Premièrement, en application de l'article 137 du règlement, « les propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête […] doivent déterminer avec précision […] les faits qui donnent lieu à enquête ». En l'occurrence, les faits sur lesquels la commission d'enquête devra se pencher semblent définis avec une précision suffisante : selon l'article unique de la proposition de résolution, il s'agit de « la politique française d'expérimentation nucléaire, l'ensemble des conséquences de l'installation et des opérations du centre d'expérimentation du Pacifique en Polynésie française, la reconnaissance et l'indemnisation des victimes, ainsi que la reconnaissance des dommages environnementaux et leur réparation ».
L'exposé des motifs apporte des précisions supplémentaires sur ces éléments : « 1° Les raisons ayant orienté la France vers le choix de sites polynésiens pour son expérimentation nucléaire, à l'exclusion de toutes les autres options ; 2° L'état des connaissances du gouvernement français sur les conséquences des essais nucléaires sur la santé et l'environnement au moment où la Polynésie française a été choisie, mais également au cours des opérations et jusqu'à aujourd'hui ; 3° La diversité des niveaux d'information transmis aux populations, aux vétérans et aux personnels civils au cours de la période des essais nucléaires ; 4° Les doses réelles de radioactivité reçues par la population, les vétérans et les personnels civils au cours des 193 essais nucléaires ; 5° L'ensemble des conséquences sanitaires, environnementales, économiques et sociales des trente années d'expérimentation atomique en Polynésie française ; 6° L'effectivité du régime d'indemnisation de l'ensemble des victimes des essais nucléaires français et les mesures concrètes à adopter afin de les mener à une guérison complète ; 7° L'efficacité des mesures de réparation et de réhabilitation environnementale adoptées ; 8° L'accès aux archives relatives aux conséquences sanitaires, environnementales, économiques et sociales de l'installation et des opérations du CEP en Polynésie française. »
La proposition de résolution expose donc des faits précis et variés qui sont de nature à fonder la création d'une commission d'enquête.
En second lieu, les propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sont recevables sauf si, dans les douze mois qui précèdent leur discussion, a déjà eu lieu une commission d'enquête, ou une mission d'information effectuée dans les conditions prévues à l'article 145-1, dont l'objet était identique. Tel n'est pas le cas ici.
Enfin, en application de l'article 139, une telle proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition. Le troisième alinéa de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit en effet que la mission d'une commission d'enquête déjà créée « prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d'enquêter ».
Interrogé par la présidente de l'Assemblée nationale, M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice, lui a fait savoir par un courrier du 2 avril 2024 qu'il n'avait pas connaissance de procédures judiciaires en cours susceptibles de recouvrir le périmètre de la commission d'enquête envisagée.
Par conséquent, la proposition de création de la commission d'enquête est recevable.