Il y a encore trois ans, nous n'aurions même pas commencé cette conversation. Nous considérions que, même si nous perdions un peu de notre autosuffisance, la question de notre souveraineté n'était pas essentielle.
Des plans de souveraineté, il en existe. Je vous invite à regarder ce que nous faisons pour la filière fruits et légumes, pour la filière blé dur, pour la filière protéines : des plans, des moyens et, parfois, de la PAC. Nous avons besoin de travailler la question des engrais azotés, qui se pose depuis la crise ukrainienne – car jusqu'à présent, tout le monde se félicitait que les Biélorusses et les Russes nous fournissent en engrais azotés : c'était la théorie des avantages comparatifs ! Un plan de reconquête engrais sera confié à Agnès Pannier-Runacher. Ce qui veut dire que, comme pour les bâtiments d'élevage de volailles, il faudra accepter d'avoir des usines qui produisent des engrais ! Il faudra aussi réfléchir au passage des engrais minéraux vers les engrais organiques. Le sujet est compliqué, dès lors que les zones qui ont besoin d'engrais ne sont pas tout à faire celles d'élevage : avec le coût du transport, la rationalité économique n'est pas encore avérée. Ce qui m'amène à noter que regagner sa souveraineté a un coût, et donc un prix.
La volaille et le porc sont avant tout une question de simplification. La volaille est un bel objet de diversification pour les producteurs qui ont de grandes cultures, notamment dans les zones intermédiaires, je l'ai déjà dit.
Vous le voyez, l'objectif est de continuer à développer des plans de souveraineté filière par filière, avec les moyens de la planification écologique.
Nous avons aussi besoin de construire, territoire par territoire, ce qui changera en raison du dérèglement climatique. En Languedoc-Roussillon, peut-on diversifier, cultiver plus d'oliviers ? C'est marginal, mais si cela permet de couvrir des besoins – car nous ne sommes pas autosuffisants en olives – tout en étant une réponse au dérèglement climatique, il n'est pas inutile d'y réfléchir.
S'agissant des stocks stratégiques, je l'ai dit, s'interroger sur leur utilité est une bonne chose. Quant à chercher des moyens d'empêcher des exportations, ce serait se compliquer la vie. En cas de crise, par exemple si nous risquions de manquer de céréales, nous saurions délibérer aussi rapidement que nous l'avons fait lors de la pandémie de covid. Ne nous faisons pas trop peur. En céréales, en lait, en pomme de terre et en sucre, qui sont autant de produits de base, nous sommes un gros opérateur mondial. Il importe d'ailleurs de penser la résilience à l'échelle européenne, car si nous devions fermer nos frontières pour le sucre, l'orge et d'autres céréales, l'effet s'en ferait sentir dans le monde entier ! Il faudrait une situation de crise dramatique pour décider de sortir du marché.
Bref, le plan de résilience doit déterminer quels sont les produits stratégiques. Cela commence par les céréales, qui sont au début de la chaîne d'alimentation.
Par ailleurs, nous pouvons toujours décider de ne pas délivrer d'agrément d'export, ce n'est pas compliqué. Mais nous n'en sommes pas encore là.