Concernant la volaille, notre taux d'auto-approvisionnement était à peu près le même avant la guerre en Ukraine. Le problème, c'est qu'il n'est pas possible de construire des bâtiments d'élevage de volailles dans notre pays : plus personne n'en veut dans son voisinage, pour des raisons esthétiques, d'odeur ou autres. Pourtant, si nous voulons notre souveraineté, il faudra assumer d'en construire. Le plan de reconquête de la souveraineté de l'élevage fixera d'ailleurs des objectifs en la matière, dont un objectif de production, ce qui implique des bâtiments supplémentaires. Nous devons assumer collectivement le fait que cette reconquête de la filière avicole passera par plus d'élevage. En Ukraine, les bâtiments d'élevage comptent jusqu'à plusieurs millions de volailles : cessons de vilipender chez nous les élevages de 15 000 volailles ! Il s'agit d'élevages plutôt petits, qui permettent à des personnes implantées en zone intermédiaire de disposer d'un complément. Il faut sortir des images d'Épinal. Si nous considérons qu'un élevage de 3 000 poulets répartis en quatre bâtiments est industriel, il sera compliqué de reconquérir notre souveraineté en la matière. Il faut être cohérents.
La question des stocks stratégiques est intéressante. C'est un vieux débat européen, On imagine mal qu'elle puisse se régler au niveau national, mais dans le cadre européen, elle a fini par une course à la production qui a coûté une fortune. Il faut commencer par identifier les sites stratégiques. Les sites d'eau en sont, par exemple – si, dans sa guerre contre l'Ukraine, Poutine bombarde les barrages, ce n'est pas seulement pour couper l'alimentation hydroélectrique. Par ailleurs, nous avons des stocks stratégiques de pétrole et de médicaments. La question de leur utilité, qui doit s'envisager du point de vue de la solidarité européenne, doit faire partie de notre travail de résilience.
Je reviens aux poulets ukrainiens. Ils n'arrivent pas dans nos ports, mais plutôt dans les ports néerlandais ou polonais. Le premier sujet est celui de l'« européanisation » de ces volailles : elles entrent en Pologne, elles sont transformées et elles deviennent européennes. Il faut donc mener des contrôles dans les ports, et il me semble souhaitable qu'ils soient effectués par un organisme européen, pour s'assurer que chaque État membre joue la même partition. Environ 1 % des produits contrôlés sont jugés non conformes. Je n'ai pas le sentiment que nous soyons suffisamment opérants. Un corps de contrôle européen doté de moyens suffisants doit pouvoir vérifier qu'un poulet estampillé d'Europe répond bien aux normes européennes. C'est valable pour le miel et bien d'autres produits. Force est de reconnaître qu'il existe des opérateurs indélicats.