J'ai bien entendu que ce n'est pas moi que vous mettiez en cause. En tout cas, je combattrai toujours une idéologie qui consiste, alors qu'on est formé pour aider l'agriculture, à la pointer du doigt. C'est quand même curieux, c'est comme si les médecins vilipendaient leurs malades ! J'ai besoin d'ingénieurs agronomes et de techniciens qui accompagnent les agriculteurs face aux difficultés, par exemple pour trouver un système résilient s'il n'y a plus assez d'eau dans les Pyrénées-Orientales, plutôt que de leur seriner qu'il faut arrêter de cultiver du maïs alors qu'ils n'en ont jamais fait.
La dimension de la souveraineté ne doit pas concerner les seules écoles supérieures, mais aussi les lycées agricoles. Or la souveraineté passe aussi par la résilience des systèmes. Nous avons besoin de travailler sur ce sujet.
Il faut aussi travailler le lien entre l'armée et la nation. La première fois que j'ai été invité à aborder les sujets qui nous occupent aujourd'hui, c'était d'ailleurs par le chef d'état-major de la marine, l'an dernier, au Salon de l'agriculture puis à l'Institut des hautes études de défense nationale. Nous avons besoin de le faire avec les établissements d'enseignement supérieur, en renforçant le protocole, mais aussi dans les lycées agricoles, et même à l'école primaire. C'est l'objet du pacte et de la loi d'orientation et d'avenir agricoles. Il est indispensable d'ancrer dans nos inconscients collectifs que l'agriculture est un objet de souveraineté aussi puissant que bien d'autres.
Lorsque j'étais enfant, j'ai appris à l'école qu'il y avait l'économie primaire, l'économie secondaire et l'économie tertiaire. On nous enseignait que l'économie primaire était résiduelle et allait disparaître, que la secondaire était bonne pour les pays pauvres et qu'à la fin, nous vivrions dans le monde heureux de l'économie de service. Une quarantaine d'années plus tard, nous en sommes revenus. Il n'y a pas de reproche à faire aux enseignants : la logique collective estimait simplement que l'agriculture pouvait rester résiduelle. Les guerres et les désordres géopolitiques nous obligent à revoir cette idée et il faut maintenant restaurer la question agricole comme un enjeu, et cela au-delà des établissements d'enseignement agricole.