Les conséquences pour le monde agricole, ce sont des importations plus élevées de volaille, d'œufs et de sucre, même si pour ce dernier, les difficultés ont été masquées par des cours historiquement hauts. Compte tenu de la sensibilité de ces marchés, j'avais demandé, il y a un an, que les mesures – ouverture, abaissement des droits de douane, etc. – prévoient des clauses de revoyure régulières. De fait, j'avais déjà le sentiment qu'il faudrait faire face à une désorganisation. Sans compter que, pour la filière volaille, une brèche s'était ouverte avec la grippe aviaire, laquelle a entraîné une baisse de production. Même si nous l'avons puissamment accompagnée, cette filière a été affaiblie par ce cumul d'événements. Les importations sont parfois passées du simple au triple, ce qui a déstabilisé nos marchés, qui sont toutefois devenus plus compétitifs d'un certain point de vue.
La situation est plus inquiétante concernant le marché des céréales, qui connaît à la fois des effets volume et des effets prix. La désorganisation du marché, l'existence de positions attentistes, le fait que les Russes multiplient les prix cassés favorisent une réorganisation lourde, qui nous conduira à demander l'activation de clauses de contingentement.
Le marché des céréales était libéralisé depuis 2019, avant la guerre. Il n'y avait pas de compétition : les Ukrainiens allaient sur leurs marchés, nous allions sur les nôtres et les Russes ne semaient pas la pagaille. Globalement, le marché des céréales était plutôt dynamique en volume et correct en prix. Mais en raison du blocage de la mer Noire et de l'offensive russe sur les marchés africains et asiatiques, les Ukrainiens ne trouvent plus leurs débouchés ; ils viennent sur le marché européen, et les prix s'effondrent en partie.
Un règlement de 2015 permettra d'activer donc des mesures de contingentement. Mais si nous voulons aller au bout de la logique et éviter un effondrement des prix ou une désorganisation, nous devons réfléchir à ce que deviendront les céréales ukrainiennes et à une politique active de reconquête de certains marchés par l'Union européenne à vingt-sept et les Ukrainiens.
D'autres filières sont-elles en risque ? Peut-être celle des oléoprotéagineux, encore qu'elle ne connaisse pas de difficultés majeures.
Enfin, j'identifie un point de vigilance : dès lors que nous aurons envoyé le signal que nous contingenterons à partir du mois de juin, que se passera-t-il ? Il ne faudrait pas que des opérateurs malintentionnés se précipitent pour inonder nos marchés avant cette date. Nous sommes en train d'y réfléchir avec la Commission européenne.