Nous poursuivons notre cycle d'auditions consacrées à la défense globale en accueillant M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Merci, Monsieur le ministre, d'avoir répondu rapidement à notre invitation. Nous y sommes d'autant plus sensibles que chacun connaît la charge de travail qui est la vôtre depuis plusieurs mois. C'est peut-être la première fois qu'un ministre de l'agriculture est auditionné par notre commission. Cela étant, il s'agit de réparer une anomalie. En effet, cette commission, qui n'est pas seulement celle des forces armées mais aussi celle de la défense nationale, est par nature interministérielle – et, oui, l'agriculture étant pourvoyeuse de souveraineté alimentaire, elle est une composante clé de la défense de chaque pays : « pas de pays sans paysans ! » À l'échelle internationale, il n'est d'ailleurs pas de grande puissance militaire qui ne soit pas aussi une grande puissance agricole, car la guerre est l'affrontement des volontés – et l'on peut imposer sa volonté par la faim.
En 2019, j'avais co-signé avec notre ancien collègue Jean-Baptiste Moreau une tribune – toujours consultable en ligne – intitulée « Paysans et soldats, même combat ! » Cinq ans après, ce constat reste pertinent. Du reste, ce lien entre agriculture et défense est inscrit dans notre code de la défense, qui désigne l'alimentation comme l'un des douze secteurs d'activité d'importance vitale. Aussi peut-on saluer le rôle clé de l'Union européenne en matière agricole. Avec plus de 50 milliards d'euros chaque année, la politique agricole commune (PAC) est son premier budget.
L'importance du sujet alimentaire ressort aussi avec la guerre d'agression de la Russie en Ukraine. Depuis dix ou quinze ans, le réarmement agricole russe a été spectaculaire. Les Russes ont quasiment redressé ce secteur productif pour retrouver une sécurité alimentaire domestique et s'affranchir de certaines dépendances envers des pays qui leur fournissaient des produits agricoles en grande quantité, ce qui les rend moins sensibles aux sanctions. En parallèle, la Russie a utilisé l'arme alimentaire en tentant de bloquer les exportations ukrainiennes de céréales par la mer Noire et la mer d'Azov.
Dans un monde en tension, la préservation de notre souveraineté alimentaire est déterminante pour la résilience de notre pays. Aussi nous a-t-il paru utile de vous entendre, Monsieur le ministre, sur la façon dont elle est intégrée dans notre politique de défense globale.
Comment votre ministère se mobilise-t-il sur ces sujets ? Comment évaluez-vous notre dépendance alimentaire ? Quels sont les dispositifs prévus pour assurer notre souveraineté alimentaire en cas de crise et de guerre et, plus globalement, à quel échelon la penser ? Quelle articulation peut-on trouver entre les territoires – dans lesquels se déploient des plans alimentaires territoriaux –, le niveau national et le niveau européen ?
Je tiens à saluer le travail de nos agriculteurs et des acteurs de notre alimentation, notamment les industries agroalimentaires, qui œuvrent à notre souveraineté en engageant des démarches souvent vertueuses sur le plan environnemental parce qu'elles limitent les dépendances et les transports internationaux. La France a besoin d'une agriculture dynamique, productive et innovante. Nous comptons sur chacun de nos agriculteurs et de nos acteurs des industries agroalimentaires.
Je tiens aussi à dire à nos agriculteurs que la Russie cherche à attiser tous les troubles possibles pour diviser nos démocraties et miner la cohésion nationale. Affaiblir les gouvernements en place permet de les rendre moins aptes à répondre aux menaces et de renforcer des forces plus complaisantes envers les régimes autoritaires. Ces actions sont désormais documentées, grâce à l'action de Viginum, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères. Nous auditionnerons demain le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, qui nous permettra d'en savoir plus.
Monsieur le ministre, vous pourrez aussi évoquer l'adhésion de l'Ukraine, même si elle reste lointaine. C'est un sujet de désinformation pour la Russie, qui vise à montrer qu'une telle adhésion aurait des effets négatifs pour notre agriculture.