Les échanges sur ce sujet ont été nombreux et riches, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, tout au long de la période durant laquelle j'étais ministre. Nous sommes, je crois, tous d'accord sur le fond : un audiovisuel public fort est indispensable dans le contexte actuel, et face à la concurrence des plateformes ; il est aussi nécessaire de renforcer ses missions de service public, dans différentes directions : la jeunesse ; le numérique ; la proximité, avec le rapprochement des forces de France 3 et de France Bleu. Il faut aller vers une information encore plus fiable, encore plus approfondie, d'une qualité encore meilleure. Les investissements dans la création, comme la place du sport – spécificité du service public –, doivent être maintenus.
La nécessité de rapprochement sur certains champs prioritaires a toujours fait l'objet d'un certain consensus. Mais le chemin pour y arriver a été source de débats. Je m'autoriserai à citer Mme Roselyne Bachelot, car mon travail s'est placé dans la continuité du sien. Entendue par la commission des affaires culturelles du Sénat au sujet du budget pour 2022, elle déclarait : « La holding avait pour objectif d'améliorer les coopérations entre les sociétés de l'audiovisuel public mais je pense que ces coopérations peuvent être mises en œuvre sans structure chapeau, qui aurait été source de conflit et de dépenses supplémentaires – président, directeur, secrétaires, frais de fonctionnement, etc. Par ailleurs, elle était rejetée par l'ensemble des personnels des différents établissements. »
Après avoir poursuivi ces réflexions et organisé une grande concertation sur la gouvernance et les missions de l'audiovisuel public, j'en suis arrivée à la même conclusion : tout ne peut pas toujours être rapproché. Sur le numérique, ainsi, on voit que la BBC a décidé de séparer à nouveau sa plateforme audio de sa plateforme vidéo. La proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle de Laurent Lafon comme le rapport de la mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public présidée par Jean-Jacques Gaultier et rapportée par vous, monsieur le président, ont été de nouvelles sources de réflexion. Vous le savez, puisque j'ai répondu plusieurs fois à vos questions : j'estime qu'une holding, préalable ou pas à une fusion, n'est pas indispensable ; des rapprochements sont à mon sens possibles par le bas, en faisant confiance aux équipes et en fixant des objectifs précis, en inscrivant des réformes dans les contrats d'objectifs et de moyens, avec une trajectoire sur cinq ans et une enveloppe budgétaire complémentaire accessible sous conditions, comme nous l'avons fait. Nous pensions ainsi arriver à des synergies sans grand meccano institutionnel. J'avais regardé ce qui s'était passé quand France Télévisions est devenue France Télévisions : pour construire cette holding, puis faire la fusion envisagée, il faudrait neuf à douze ans. Face à l'urgence imposée par les réseaux sociaux et l'hégémonie des plateformes, il m'a paru préférable de mettre ce temps et l'énergie nécessaire au service de nos priorités stratégiques.
J'entends que le débat est rouvert ; il est légitime. Je ne suis plus en position d'influencer son cours. Peut-être y a-t-il eu des évolutions qui laissent penser qu'une holding est finalement indispensable parce que les coopérations naturelles mettent du temps à se concrétiser. Je respecte le chemin évoqué par Rachida Dati, puisque nous sommes d'accord, je crois, sur l'objectif final.