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Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du jeudi 28 mars 2024 à 13h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Fleur Pellerin, ancienne ministre de la culture et de la communication :

S'agissant des plateformes, 2015 semble une époque assez lointaine. Je ne sais plus exactement quand Netflix a commencé à émettre en France, mais je crois que c'était aux alentours de 2014. C'était donc extrêmement récent et je me souviens qu'il y avait une grande inquiétude et une grande nervosité de la part des éditeurs et des diffuseurs français, qui pensaient que c'était la fin de l'exception culturelle française et que Netflix allait devenir le canal de diffusion du courant majoritaire culturel anglo-saxon. Je me souviens de montants d'investissement dans les contenus et la création de l'ordre de 7 à 10 milliards d'euros par an, soit des montants qui n'avaient rien à voir avec ce que pouvaient investir des acteurs économiques français.

Finalement, conscients de cette puissance économique, les gouvernements successifs et l'Union européenne ont fait en sorte d'imposer des obligations à ces plateformes, notamment d'investissement dans le financement de la création. Ils n'ont pas établi une parfaite égalité du terrain de jeu mais cela a permis de mettre les plateformes à contribution pour financer la création, y compris française. Le raz-de-marée craint n'a pas eu lieu. Il est réel en matière de nombre d'abonnements et de profondeur des catalogues proposés par ces plateformes. Il l'est aussi dans la difficulté des opérateurs français à proposer des alternatives nationales. On peut dire, en le regrettant, que, malgré des initiatives très intéressantes, comme LaCinetek, à destination de publics de niche, les acteurs français n'ont pas vraiment été capables de proposer une autre voie face à ces grosses plateformes américaines. Le bilan est donc mitigé. Je regrette l'absence d'émergence d'un acteur européen susceptible de concurrencer ces plateformes, tout en ayant la satisfaction d'avoir réussi, au niveau européen et français, à mettre à contribution ces plateformes dans le financement de la création.

Je rappelais, dans mon propos liminaire, qu'une loi avait été votée pour modifier la procédure de nomination des présidents non seulement de France Télévisions mais de tout l'audiovisuel public. C'était un engagement de campagne du candidat Hollande. Cette loi a été votée le 15 novembre 2013. Elle prévoyait que c'était le Conseil supérieur de l'audiovisuel qui nommait le président de France Télévisions et non plus le Président de la République. Nous avions, en revanche, pensé qu'il était légitime et utile que le Gouvernement définisse la feuille de route de France Télévisions et que cela ait lieu en amont de la nomination, afin que les candidats puissent connaître en toute transparence le cadre dans lequel leur candidature s'inscrivait et leur pertinence serait appréciée.

Imaginer que le Président de la République, qui avait souhaité cette loi, ait pu faire pression dans un sens comme dans l'autre, en conseillant ou en déconseillant des individus particuliers, me paraît très difficile. Connaissant François Hollande, je peux même complètement l'exclure. Je ne dis pas que M. Schrameck a menti sous serment, mais que ce à quoi il a voulu faire référence, c'est au fait que le Président de la République avait fixé un cadre dans lequel les candidats à un mandat public ne devaient pas être des présidents ou des directeurs généraux en charge d'établissements publics qui venaient d'être nommés ou de voir leur mandat renouvelé. Cela n'est pas de bonne gestion, car cela oblige à jouer aux chaises musicales et à procéder à des nominations en cascade.

François Hollande avait donc dit, publiquement je pense, qu'il ne souhaitait pas que des personnes en poste dans des établissements publics culturels soient candidats, lors d'un appel à candidatures, pour un autre établissement public culturel. M. Schrameck a dû en déduire que cela rendait inéligibles un certain nombre de candidatures. Je pense que c'est à cela qu'il a voulu faire référence. Mais je ne pense pas du tout que cela puisse être assimilé en aucune manière à une pression – le terme n'est certainement pas adéquat.

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